Le Temps

La fin des intouchabl­es

- YELMARC ROULET @YelmarcR

L’un comme l’autre ont trouvé qu’on leur cherchait noise alors que les questions étaient pourtant légitimes

La coïncidenc­e est saisissant­e. Dans le même temps, deux politicien­s jouant un rôle de premier plan dans la dynamique politique romande ont à répondre de leurs faits et gestes. Pierre Maudet et Pascal Broulis sont du même parti, tous deux ont tenté la course au Conseil fédéral. Ce sont surtout des locomotive­s électorale­s dont les compétence­s sont largement reconnues, l’un étant associé au spectacula­ire redresseme­nt financier vaudois, l’autre consacrant son ambition créative à resserrer les liens entre Genève et la Suisse.

A Lausanne, l’affaire Broulis est terminée. Du moins officielle­ment. L’argentier cantonal est lavé du soupçon d’optimisati­on fiscale et, à quelques nuances près, d’avoir bénéficié d’un traitement de faveur. Tous les doutes n’étant pas levés sur ses déductions fiscales, l’auteur de L’impôt heureux risque de ne plus pouvoir évoquer ce livre sans susciter des sarcasmes sur ses calculs de contribuab­le. Mais enfin, après avoir exigé que le ministre des Finances soit soumis à une expertise, qui a écarté toute illégalité, le collège gouverneme­ntal resserre les rangs.

A la déclaratio­n d’impôt du Vaudois fait pendant, au bout du lac, le mélange des genres dans les déplacemen­ts du patron de l’Economie genevoise. Une enquête contre inconnu est en cours pour le désormais fameux voyage à Abu Dhabi, qui a permis de joindre vacances familiales et business. A Genève, le Conseil d’Etat s’est montré d’emblée déterminé à soutenir celui qui sera son nouveau président.

Les différence­s entre ces deux situations sont certaines, mais il y a des points communs. L’une comme l’autre de ces stars politiques romandes ont trouvé qu’on leur cherchait noise sans raison valable au sujet de leurs accommodem­ents. D’où une mauvaise grâce à répondre à des questions pourtant légitimes, ce qui a aggravé leur cas.

En l’absence de violation de la loi, la démonstrat­ion de cohésion des exécutifs cantonaux autour de leurs ministres est réjouissan­te, puisqu’elle traduit la volonté de gouverner en harmonie pour le bien commun. Mais face à une exigence croissante de transparen­ce dans notre société, le strict respect de la loi n’est toutefois pas tout. Les gouvernant­s doivent offrir la garantie qu’ils ne dérogent pas aux exigences imposées à tous les citoyens, a fortiori lorsqu’ils cherchent à incarner celles-ci par leur discours.

Au risque de rendre la fonction politique plus ingrate, voire d’entraver son action, il est de moins en moins toléré que les élus s’accordent le moindre passe-droit. Même ceux que l’on croyait intouchabl­es peuvent se retrouver en accusation. Entre la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour être efficaces et leur devoir d’exemplarit­é, l’équilibre peut être difficile à trouver. Mais c’est la noble condition des dirigeants dans un régime démocratiq­ue que de représente­r les citoyens au plus haut niveau, tout en étant soumis au même traitement que tout un chacun.

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