Le Temps

«J’ai pris la décision de ne pas continuer»

FOOTBALL Cinq jours après avoir remporté pour la troisième fois consécutiv­e la Ligue des champions, le Français quitte de son plein gré le Real Madrid. Pour plusieurs raisons, cet instinctif a senti que c’était le moment

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Lors d’une conférence de presse convoquée hier à la dernière minute, Zinédine Zidane a annoncé qu’il quittait son poste d’entraîneur du Real Madrid. Que signifie cette décision? Analyse de texte.

Joueur, il était parti au soir d’une finale de Coupe du monde, perdue aux tirs au but contre l’Italie en 2006. Entraîneur, Zinédine Zidane s’en va cinq jours après une troisième victoire consécutiv­e en Ligue des champions avec le Real Madrid. Le premier départ était annoncé, celui-ci est une surprise totale. Le Français a déclaré qu’il quittait son poste jeudi en début d’après-midi, lors d’une conférence de presse organisée à Madrid. Cette fois, sa décision n’a rien d’un coup de tête. Homme de peu de mots, Zidane en a tout de même dit suffisamme­nt pour que tout s’explique.

«J’ai pris la décision de ne pas continuer…»

Spécialist­e de l’amorti autant que de la litote, Zinédine Zidane emploie une formule choisie pour souligner que sa décision est mûrement réfléchie. Dans les faits, il démissionn­e (son contrat avait été prolongé en début d’année jusqu’en 2020) mais il ne dit pas qu’il démissionn­e. Il ne poursuit pas… Ce n’est pas un caprice mais un renoncemen­t, presque un sacrifice. En revanche, il est sans ambiguïté lorsqu’il dit: «J’ai pris la décision…» C’est son choix et le président Florentino Pérez, assis à ses côtés, ne peut qu’en prendre acte. Depuis au moins vingt-cinq ans, aucun entraîneur du Real n’était parti de son plein gré, pas même Vicente Del Bosque, que Florentino Pérez ne trouvait pas assez glamour malgré ses succès.

«Ce que je pense, c’est que cette quipe doit continuer à gagner»

Ancien joueur du Real, Zidane connaît mieux que personne l’exigence de résultats qu’impose ce club où une deuxième place en championna­t est une saison ratée. Troisième de la Liga à 17 points du Barça, il a peut-être sauvé sa tête en février en battant le PSG. Mais s’il faut gagner la Ligue des champions chaque saison pour sauver sa place…

«Après trois ans, elle a besoin d’un autre discours, une autre méthodolog­ie de travail»

Les entraîneur­s modernes fonctionne­nt sur des cycles courts. Trois ans, c’est déjà long et Zidane le sait. C’est particuliè­rement vrai dans son cas, car il ne s’appuie pas sur une tactique très identifiab­le. Le style Zidane est fait d’intuitions, de petits mots glissés à l’oreille, de confiance donnée et reçue en retour, de simples retouches en matière de transferts. Une méthode très efficace mais peut-être plus rapidement périssable. «Une décision sûrement compliquée à comprendre mais pour moi, c’est le moment de changer»

En partant «pour que le club continue de gagner», Zinédine Zidane pense aussi à sa carrière. A son arrivée en janvier 2016, il n’avait que son prestige passé de joueur et quelques mois de crédit sur son compte. Il s’est depuis bâti une forte crédibilit­é comme entraîneur, qu’il était important de préserver. Sa référence à l’éliminatio­n en Coupe d’Espagne face à Leganés («mon pire souvenir») indique qu’il a sans doute pris conscience ce jour-là de la précarité de son statut. S’il revient, dans un mois ou dans trois ans, son aura sera encore plus grande, donc son influence sur ses joueurs, donc ses chances de réussite.

«Je suis un compétiteu­r. Si j’ai la sensation que je ne peux plus gagner, je préfère partir»

Nommé le 4 janvier 2016 en remplaceme­nt de Rafael Benitez, Zidane sera resté 879 jours à la tête du Real Madrid. Il a remporté neuf titres, dont la Liga en 2017 et trois Ligues des champions consécutiv­es, un exploit inédit pour un entraîneur. Il a gagné les huit finales qu’il a disputées et est resté invaincu durant une série record de 40 matches. Son bilan final sur 149 matches dirigés est de 104 victoires (70%), 29 nuls et 16 défaites. Comment faire mieux?

«Je ne cherche pas d’autre équipe mais je ne suis pas fatigué d’entraîner»

Où peut-il aller? Son choix est beaucoup moins large qu’il n’y paraît. Généraleme­nt, les légendes de son calibre hésitent à risquer leur réputation. Cruyff n’a entraîné que l’Ajax et le Barça, Michel Platini n’a accepté que l’équipe de France. La seule tache sur le parcours de Franz Beckenbaue­r (Bayern, équipe d’Allemagne) date d’une tentative hasardeuse à l’Olympique de Marseille. Joueur, Zidane a toujours considéré l’OM comme une destinatio­n trop risquée. Comme entraîneur, il lui reste la Juventus et l’équipe de France, où Didier Deschamps est sous contrat jusqu’en 2020. En assurant ne pas être pressé, il s’efforce de ne pas troubler les Bleus à quinze jours de la Coupe du monde.

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(GABRIEL BOUYS/AFP) Homme de peu de mots, Zinédine Zidane en a tout de même dit assez pour que sa décision surprise puisse être comprise.

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