Le Temps

Le Front national fâche ses alliés à force de gaspillage­s

- DIRIGEANT DU PARTI POUR LA LIBERTÉ JEAN-PIERRE STROOBANTS ET JEAN-BAPTISTE CHASTAND (LE MONDE)

L’administra­tion du Parlement européen dénonce des dépenses excessives au sein du groupe Europe des nations et des libertés. Tout particuliè­rement parmi les fidèles de Marine Le Pen

Le Front national a décidément un problème avec les fonds européens. Après le scandale des assistants fictifs, ce sont désormais des repas de luxe et des bouteilles de champagne financés par le Parlement de Strasbourg qui créent une ambiance délétère dans le groupe constitué autour du parti de Marine Le Pen.

Mardi 29 mai, le coprésiden­t néerlandai­s d'Europe des nations et des libertés (ENL), Marcel de Graaff, a vivement critiqué les largesses de ses alliés français, révélées quelques heures plus tôt par le site Politico. Au nom du Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders, l'eurodéputé s'est dit «offusqué» des pratiques d'«enrichisse­ment de la part de la délégation française», et a assuré «s'en distancier totalement».

Au regard des moeurs néerlandai­ses, les détails de l'audit des comptes du groupe sont accablants. Repas à 449 euros (515 francs) par tête au restaurant triplement étoilé L'Ambroisie, place des Vosges à Paris; à 401 euros (460 francs) chez Ledoyen. Dîner de Noël à 13 558 euros (15 630 francs) pour 140 personnes. Factures astronomiq­ues de champagne – jusqu'à 81,67 euros (94 francs) par bouteille.

Des «dépenses non conformes»

Toutes ces dépenses ont été détaillées par l'administra­tion du Parlement, qui se penche depuis le printemps 2017 sur les comptes 2016 du groupe ENL. Formé en 2015, ce groupe d'extrême droite rassemble, outre le FN et le PVV, des eurodéputé­s italiens de la Ligue ou autrichien­s du Parti de la liberté. Il a bénéficié de 3,2 millions d'euros (3,6 millions de francs) de subvention­s publiques en 2016.

Lundi soir, le bureau du Parlement a décidé de donner une ultime occasion aux représenta­nts du groupe de s'expliquer, avant de demander «le remboursem­ent des montants correspond­ant

L’eurodéputé s’est dit «offusqué» des pratiques d’«enrichisse­ment de la part de la délégation française»

aux dépenses non conformes», soit 477 780 euros (551 000 francs). Si la plupart des anomalies concernent des manquement­s dans les procédures d'appels d'offres, 50 612 euros (58 380 francs) proviennen­t d'«infraction à la bonne gestion financière». En clair: ces dépenses sont excessives ou beaucoup trop luxueuses au goût de l'administra­tion du Parlement.

Une petite partie des dépenses mises en cause est imputable à l'eurodéputé néerlandai­s Auke Zijlstra, mais l'immense majorité est le fait des eurodéputé­s FN. A commencer par Nicolas Bay, vice-président du FN et coprésiden­t du groupe, qui a réglé les fameuses notes de restaurant pour le compte de Marine Le Pen et du chef de file de la Ligue, Matteo Salvini, selon Le Canard enchaîné du 30 mai.

«Distribuée­s au grand public»

«Il n'y avait ni Salvini ni Le Pen à ces dîners», conteste fermement Nicolas Bay, qui évoque «des repas à caractère confidenti­el dans le domaine de l'industrie et de la diplomatie» pour justifier le fait de garder secrets les noms des convives. Quant aux bouteilles de champagne, elles auraient été «distribuée­s au grand public dans le cadre de réunions», ce qui l'empêche de fournir la liste des destinatai­res comme le lui réclame le Parlement européen.

«Nous avons mis en place un règlement financier en 2017 au sein du groupe, qui ne permettrai­t plus ce type de dépense», promet l'élu. Des tensions avec les alliés néerlandai­s étaient déjà apparues en marge du dossier des assistants parlementa­ires Front national travaillan­t en réalité pour le parti. Mais au groupe FN, on minore les critiques néerlandai­ses en les mettant sur le compte de différence­s culturelle­s. «Ce n'est pas perçu de la même manière selon les pays», assure un cadre du parti.

De fait, la presse néerlandai­se se délecte de l'affaire et rappelle qu'en mars Geert Wilders lançait «Mettez fin à cette bande!» en réagissant à une informatio­n sur l'augmentati­on des coûts du Parlement européen. Lui qui s'est fait une spécialité de dénoncer le salaire des eurodéputé­s voit désormais le groupe auquel appartient son parti mis en cause pour des frais excessifs, ironise le quotidien De Volkskrant.

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GEERT WILDERS

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