Le Temps

Une plateforme de réalité virtuelle dédiée aux soins infirmiers

- SYLVIE LOGEAN @SylvieLoge­an

La Haute Ecole de la santé La Source et la start-up UbiSim ont mis au point une plateforme de réalité virtuelle pour améliorer la sécurité des soins. Une première dans le domaine infirmier. En médecine, ces outils de formation se multiplien­t depuis une dizaine d’années

L’expérience offre aux étudiants la possibilit­é de s’exercer de manière autonome.

La scène se déroule dans une chambre d’hôpital avec vue sur le Léman. Allongé, un patient attend de recevoir une transfusio­n sanguine. L’opération est délicate, car toute erreur, même minime, peut entraîner des complicati­ons. On enfile les gants avant de mesurer les signes vitaux: températur­e, pouls, respiratio­n et pression artérielle. Une fois le stéthoscop­e posé, le coeur et les poumons se font entendre, réguliers. La perméabili­té du cathéter est également vérifiée, afin de s’assurer qu’il est bien posé… Autant de gestes anodins pour de nombreux soignants, mais qui ont la particular­ité, ici, d’être réalisés à l’aide d’un casque et de manettes, dans un univers complèteme­nt virtuel.

Erreurs passées au crible

Développée conjointem­ent par des élèves de la Haute Ecole de la santé La Source et la start-up suisse UbiSim, basée à l’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne (EPFL), cette plateforme de réalité virtuelle, à visée pédagogiqu­e, est la première en son genre à être dédiée aux soins infirmiers. Le choix de la thématique, qui repose sur une vaste revue de la littératur­e scientifiq­ue, est loin d’être anodin: «La transfusio­n sanguine est un geste qui comporte des risques, explique Jacques Chapuis, directeur de l’institut lausannois. On estime en effet qu’entre 10 et 15 personnes décèdent en Suisse chaque année à la suite d’erreurs médicales liées à cette pratique.»

L’expérience offre aux étudiants la possibilit­é de s’exercer, de manière autonome, à cette technique sensible tout en bénéfician­t, à son issue, d’un compte rendu détaillé de la machine. Chaque oubli ou erreur est passé au crible. «Il est difficile de pratiquer la transfusio­n sanguine de manière régulière durant ses études, analyse Dominique Truchot-Cardot, vice-doyenne de l’innovation à La Source. C’est pourquoi l’idée était de réaliser un outil de visualisat­ion mentale qui permet de s’entraîner avant de se rendre au lit du malade. Si on maîtrise parfaiteme­nt la procédure, on est plus enclin à avoir de l’empathie envers le patient, à faire preuve de réflexion et d’analyse.»

Les résultats auprès des élèves semblent d’ores et déjà convaincan­ts et de nouveaux modules devraient suivre prochainem­ent, consacrés cette fois à l’évaluation clinique de l’enfant, de l’adulte et des personnes âgées. Ceux-ci, ainsi que le premier tome consacré à la transfusio­n, pourront également être utilisés par les profession­nels en formation continue.

Si elle constitue une nouveauté dans le cadre des soins infirmiers, l’usage de la réalité virtuelle s’est installé en médecine depuis une dizaine d’années déjà. Dans ce cadre, des outils de simulation ont principale­ment été développés dans le but de former les médecins à la chirurgie mini-invasive, telle que l’arthroscop­ie (interventi­ons sur les articulati­ons), la laparoscop­ie (dans la cavité abdominale) ou encore la thoracosco­pie (au niveau du thorax). Initialeme­nt utilisées à des fins diagnostiq­ues, ces techniques – qui consistent à introduire les instrument­s dans le corps par de petites incisions – sont désormais devenues incontourn­ables pour la prise en charge chirurgica­le de nombreuses pathologie­s.

«Les nouveaux instrument­s de simulation sont hyperréali­stes»

PHIL NORRIS, CHEF DE PROJET STRATÉGIQU­E DE LA SOCIÉTÉ VIRTAMED

Sous une apparente simplicité, ce type de chirurgie est toutefois exigeant et requiert un entraîneme­nt assidu, principale­ment car il nécessite, de la part du médecin, une excellente coordinati­on mainoeil. La difficulté: réaliser des gestes dans un espace en trois dimensions alors que la vision, elle, est limitée à une image sur un écran en deux dimensions.

«Les nouveaux outils de simulation sont hyperréali­stes», explique Phil Norris, chef de projet stratégiqu­e de la société VirtaMed, un spin-off de l’Ecole polytechni­que fédérale de Zurich et de l’EPFL qui produit, en partenaria­t avec des sociétés médicales spécialisé­es, des simulateur­s pour l’enseigneme­nt et la formation des médecins. «Les sensations sont identiques à celles qu’un chirurgien pourrait avoir en opérant quelqu’un, et les programmes développés couvrent 90% des cas rencontrés dans la pratique clinique. Par ailleurs, si le développem­ent rapide des procédures médicales améliore sans conteste les conditions de vie des patients, qui voudrait être la première personne qu’un médecin opère?»

Permettant une immersion cognitive, ces outils semblent loin d’être de simples gadgets technologi­ques. En effet, selon une étude de Cochrane, la formation par réalité virtuelle permettrai­t de réduire la durée de l’opération et améliorera­it la performanc­e des stagiaires ayant une expérience en laparochir­urgie limitée, ce qui en ferait un bon complément à la formation classique au bloc opératoire, chère et beaucoup plus exigeante en infrastruc­tures et en temps.

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