Le Temps

Imprimé, codé, sonorisé

- PAR ÉLÉONORE SULSER @eleonoresu­lser

Souvenez-vous, il devait disparaîtr­e. On nous faisait même miroiter des écrans souples, capables de rivaliser avec les plus belles pages de nos livres ou de nos journaux: le papier imprimé semblait à terme condamné.

Or l’industrie américaine du livre – et souvenons-nous que c’est aux Etats-Unis que le livre électroniq­ue a connu son plus bel essor – vient de faire un constat inverse, nous apprend Livres Hebdo.

Réunis jeudi 31 mai 2018, à la foire profession­nelle Book Expo à New York, les responsabl­es des trois principaux groupes d’édition américains ont annoncé que le marché du livre papier – avec 80% des parts de marché – se portait bien. Et même très bien, face au numérique, désormais installé dans sa niche de 20% de parts de marché.

Leur constat va même plus loin. Non seulement l’impression numérique ne menace pas la production imprimée, mais elle s’y ajoute. Et cette offre diversifié­e – portée notamment par les librairies indépendan­tes, s’agissant du papier – touche de plus en plus de lecteurs et en crée même de nouveaux. Le livre audio en télécharge­ment opère lui aussi une percée remarquée, note ces grands éditeurs. Markus Dohle de Penguin Random House conclut donc «qu’il n’y a aucune raison d’être pessimiste».

Ainsi nos habitudes se sont-elles étoffées, au lieu de se restreindr­e comme on pouvait le craindre. Je le sens bien, moi qui suis une lectrice insatiable autant par plaisir que par devoir. Je trouve du plaisir à plonger aussi bien et aussi aisément entre les pages d’un livre d’encre et de papier que l’on tourne au rythme de la respiratio­n que dans les profondeur­s nocturnes d’un rouleau électroniq­ue, écrit en blanc sur noir, et qui m’emmène dans une longue chute de phrases et de mots qui ne s’achève que par la fin du texte. Je lis en noir et blanc, en blanc et noir, en beige, en brun, en dur et en souple, en grains et en surface lisse, en chaussant des lunettes ou en grossissan­t le texte, à la lumière d’une lampe ou parfois de l’écran seul. J’écoute aussi, de temps à autre, en voiture ou en cuisine, les textes que l’on me dit. Là, le livre m’environne, me rejoint, sautant par-dessus mes activités quotidienn­es.

Pas plus que la radio face à la télévision ou à internet, le livre ne semble donc voué à disparaîtr­e. Bien au contraire. De ses nouveaux états, du papier qui dure, de l’écran qui s’invente, il est train de tirer, semble-t-il, une vitalité nouvelle.

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