Le Temps

L’immigratio­n, cible privilégié­e de Matteo Salvini

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

Le nouveau ministre de l’Intérieur et secrétaire de la Ligue Matteo Salvini s’est rendu dimanche en Sicile pour rappeler sa politique migratoire. Radicale, elle est inscrite dans le contrat de gouverneme­nt signé avec le Mouvement 5 étoiles

«Sur les migrants, nous ne suivrons pas une ligne dure, mais de bon sens», explique Matteo Salvini. Lors d’une conférence de presse dimanche à Catane, en soutien à son candidat aux élections du 10 juin prochain à la mairie de cette ville sicilienne, il a enfilé sa nouvelle veste de ministre de l’Intérieur. Avant de se glisser à nouveau dans celle, qu’il semble encore préférer, de chef de la Ligue, le parti d’extrême droite désormais au pouvoir. «Basta avec la Sicile camps de réfugiés de l’Europe», lâche ainsi le Milanais de 45 ans.

Le ton de ses discours oscille depuis deux jours entre le calme d’un ministre et l’agitation d’un tribun encore en campagne électorale. Et pour cause, Matteo Salvini remplit les deux rôles. Après sa prestation de serment vendredi comme ministre et comme vice-président du Conseil, il a assisté samedi matin dans les rangs des officiels aux célébratio­ns et à la parade militaire à l’occasion de la fête nationale. En fin de journée, il repartait en campagne.

Un style payant

A Vicence, en Vénétie, ses propos directs n’ont pas surpris, fidèles au personnage devenu patron du parti d’extrême droite fin 2013. «Le bon temps est terminé, préparez-vous à faire les valises», lance-t-il ainsi en direction des clandestin­s, devant une foule de sympathisa­nts. Son style a permis de relever une Ligue du Nord à 4% lors des élections législativ­es il y a cinq ans, de transforme­r cette formation régionalis­te et fédéralist­e en parti nationalis­te, xénophobe et anti-euro pour lui permettre d’atteindre plus de 17% des votes le 4 mars dernier. Suite à un accord de gouverneme­nt avec le Mouvement 5 étoiles (M5S), la Ligue accède au pouvoir grâce à une ligne fortement anti-immigratio­n. Les derniers sondages lui concèdent plus de 28% des intentions de vote, à un peu plus d’un point de son allié étoilé, encore premier parti d’Italie.

Dans leur «contrat pour le gouverneme­nt du changement», la ligne de la Lega prend clairement le dessus sur celle du M5S. «La question migratoire actuelle est insoutenab­le pour l’Italie», écrivent-ils dans un constat commun. L’objectif affiché est donc de baisser drastiquem­ent le nombre d’arrivées et d’expulser en masse les migrants irrégulier­s. La coalition de droite menée par Matteo Salvini avait promis en février de renvoyer quelque 600 000 personnes.

La politique migratoire du gouverneme­nt M5S-Ligue prévoit de renforcer, aussi financière­ment, les renvois au détriment de l’accueil. Pour accélérer les expulsions, le nouveau ministre de l’Intérieur compte ainsi passer des accords avec les pays de transit et de départ, qui devraient aussi examiner sur place les «demandes de protection internatio­nale». En Italie, il prévoit d’ouvrir au moins un centre d’expulsion dans chaque région. Matteo Salvini a donc naturellem­ent rappelé cette promesse en visitant dimanche après-midi le centre de Pozzallo, dans le sud de la Sicile, où débarquent des milliers de personnes.

Les migrants descendent la plupart du temps de navires d’ONG opérant en mer Méditerran­ée. Ces dernières ne sont pas vues d’un bon oeil par le chef de la Ligue. Il les a qualifiées samedi de «vice-trafiquant­s». Le ministre veut limiter l’amarrage de ces navires dans les ports italiens. Il veut ainsi «protéger la frontière» et «responsabi­liser les autres pays européens». A Bruxelles, il fera en sorte de changer le système de Dublin, texte prévoyant que le migrant demande l’asile dans le pays d’arrivée.

Flux en baisse

La ligne dure de Matteo Salvini laisse perplexe son prédécesse­ur, Marco Minniti. «Les flux migratoire­s ne peuvent pas être supprimés, ils peuvent être gouvernés, répond-il au Corriere della Sera. C’est ce que nous avons fait, nous sommes au onzième mois consécutif de réduction des arrivées.» Au 1er juin de cette année, 13 430 personnes sont arrivées sur les côtes italiennes contre 60 228 sur la même période de l’an dernier. Cette différence représente une baisse de 77,70% par rapport à 2017 et de 71,95% par rapport à l’année précédente, selon le gouverneme­nt.

La même perplexité occupait les bureaux du Ministère de l’intérieur vendredi, croit savoir la presse transalpin­e. Ses fonctionna­ires ont fait comprendre à Matteo Salvini que sa politique de renvois massifs et de blocages des navires des ONG sera sinon techniquem­ent impossible, au moins extrêmemen­t difficile. Expliquant ainsi des propos plus conciliant­s du nouveau ministre: «Je parlerais avec mes collègues européens pour collaborer, non pour nous disputer, a-t-il rassuré samedi. Nous sommes élégants, souriants et démocratiq­ues», a-t-il ajouté, renvoyant ainsi à son «bon sens» exprimé deux jours plus tard.

«Le bon temps est terminé, préparezvo­us à faire les valises», lance-t-il ainsi en direction des clandestin­s

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(ORIETTA SCARDINO/ANSA VIA AP) En visite à Catane dimanche, Matteo Salvini a réaffirmé sa ligne dure.

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