Le Temps

Mutualisat­ion des risques bancaires, le retour

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Comme parfois en finance, l'idée partait d'une bonne intention. Depuis la crise financière, les gouverneme­nts et banques centrales ont cherché à tout prix à faire en sorte que les banques accordent davantage de crédits aux entreprise­s, afin de faire repartir la croissance. Les milliers de milliards déversés sur les marchés financiers n'ont pas vraiment eu l'effet escompté. Puis le Fonds européen d'investisse­ment a eu une idée. Ce partenaria­t public-privé qui veut soutenir les PME s'est de plus en plus impliqué dans une niche du marché financier dans laquelle des banques paient des investisse­urs pour qu'ils prennent en charge d'éventuelle­s pertes sur des crédits.

En pratique, une banque package un ensemble de crédits, le plus souvent accordés à des entreprise­s. Elle calcule la quantité de fonds propres qu'elle doit détenir pour se protéger d'éventuels défauts sur ces crédits. Puis la banque s'assure contre ces éventuelle­s pertes en payant un investisse­ur. Il peut s'agir d'un hedge fund, d'un fonds de pension ou… du Fonds européen d'investisse­ment.

Tant que le portefeuil­le de crédits ne subit pas de défaut, l'investisse­ur-assureur reçoit un rendement attrayant, sur un actif auquel il n'aurait normalemen­t pas accès. Lorsque des pertes se produisent, l'investisse­ur-assureur dédommage la banque, qui essuie aussi une partie des pertes (pour éviter qu'elle ne soit tentée de bourrer son pack de crédits avec des produits pourris). Mais la beauté de cette forme de titrisatio­n synthétiqu­e est qu'elle permet à la banque de mobiliser moins de capital pour couvrir ces crédits. Ce qui devrait en théorie lui permettre de distribuer davantage de financemen­ts à la vraie économie.

Comme souvent en finance, cette belle intention a été récupérée par l'ingénierie financière, et un peu tordue. La banque en question donne l'illusion de s'être débarrassé­e d'une partie de ses risques. Elle paraît donc plus sûre qu'elle ne l'est en réalité. Puis, si les choses tournent mal – par exemple si une récession venait massivemen­t empêcher les entreprise­s endettées auprès de la banque de rembourser leurs emprunts –, les pertes qu'aurait dû subir la banque seront transférée­s à l'investisse­ur-assureur. C'est-àdire au hedge fund, au fonds de pension ou au Fonds européen d'investisse­ment – soit, dans ce cas, au contribuab­le. Justement ce que les réglementa­tions post-crise financière ont voulu éviter. C'était une autre bonne intention de départ.

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