Le Temps

Las Vegas, le coup de poker de l’année

- PAR RAY LALONDE * / Alcos

Las Vegas est une ville absolument unique, surréalist­e, telle une oasis dans le désert. Deux mondes s’y côtoient, avec une partie traditionn­elle où habitent 2,4 millions de personnes et une autre qui tient sur le célèbre «strip», ce boulevard gigantesqu­e avec des hôtels pharaoniqu­es et de majestueux casinos qui débordent de lumières, de touristes et de dollars. Vegas c’est aussi le paradis des grands spectacles et des méga-concerts, la résidence permanente du Cirque du Soleil et de Céline Dion et, régulièrem­ent, l’organisati­on de championna­ts du monde de boxe. Mais aucune ligue de sports n’y était recensée, jusqu’à la venue, en septembre 2017, des Vegas Golden Knights de la NHL.

Il faut s’imaginer une équipe profession­nelle de hockey sur glace dans cette région du Nevada où il peut faire 35 degrés plus de six mois par année. Et pourtant, ce qui semblait être un risque calculé en juin 2016 au moment d’accorder une nouvelle franchise à Bill Foley, est finalement devenu l’histoire de l’année du sport nord-américain. Un énorme coup de poker gagnant pour le hockey.

Marché lucratif

Bill Foley, ancienne tête dirigeante de Fidelity Investment­s, une grande firme financière, a réussi à convaincre le commissair­e et patron de la NHL, Gary Bettman, avec le soutien de deux partenaire­s majeurs pour son projet: les frères Gavin et Joe Maloof, résidents de Las Vegas et anciens propriétai­res des Sacramento Kings de la NBA. Les Maloof connaissai­ent Bettman et leur savoir-faire en termes de gestion d’un grand club américain a rassuré le patron de la NHL. Les patrons des autres clubs ont été séduits à leur tour par cette idée d’être la première ligue à s’implanter dans le marché lucratif de Vegas.

La franchise fut officielle­ment octroyée à Bill Foley en juin 2016 pour 500 millions de dollars. Il avait donc une quinzaine de mois pour préparer le lancement officiel des Knights. Sa stratégie d’implantati­on fut géniale. Il embaucha George McPhee, ancien GM (general manager) de Washington à cette position, avant d’engager comme entraîneur Gerard Gallant, tout juste limogé des Florida Panthers.

Pour constituer son équipe, le nouveau venu avait l’occasion privilégié­e de choisir 30 joueurs parmi une liste de noms laissés libres de droits lors d’un processus exceptionn­el appelé draft d’expansion. Les 30 autres clubs avaient le droit de protéger 11 joueurs chacun mais Vegas

Il faut s’imaginer une équipe de hockey sur glace dans cette région du Nevada où il peut faire 35 degrés plus de six mois par année

ne prit qu’un joueur à chaque équipe. Les Golden Knights allaient entamer leur premier championna­t NHL avec des joueurs relativeme­nt établis dans la ligue.

Les Golden Knights se sont mis à gagner d’entrée et à remplir tous les sièges du magnifique T-Mobile Arena, en plein coeur de Vegas, et ce, de septembre 2017 à avril 2018. Les résidents locaux ont rapidement adopté le club et se sont ralliés à sa cause. Les Golden Knights possèdent un logo à la fois classique et jeune. Leur maillot est superbe. Et ils ont communiqué de façon efficace avec leurs nouveaux supporters. Au draft d’expansion, ils ont mis la main sur quelques joueurs piqués au vif d’avoir été lâchés par leur club et trop heureux d’avoir une opportunit­é de relancer leur carrière. Marc-André Fleury, ancien gardien étoile des Pittsburgh Penguins, William Karlsson, Riley Smith, Jonathan Marchessau­lt ont été dominants cette saison. Sans oublier la présence du Suisse Luca Sbisa. Le numéro 47 est un solide défenseur qui évolue entre treize et seize minutes par match dans la troisième ligne en compagnie de Colin Miller.

Conte de fées

Le succès des Golden Knights est inespéré. Personne n’aurait pu écrire un scénario aussi époustoufl­ant que cette première saison mémorable qui tourne au conte de fées. Une équipe d’expansion offre habituelle­ment des performanc­es très moyennes sa première année. Mais les Golden Knights sont soudaineme­nt devenus de sérieux prétendant­s à la Coupe Stanley. Ils ont tour à tour vaincu les Los Angeles Kings, les San Jose Sharks et les Winnipeg Jets pour atteindre la finale.

En plus de performanc­es incroyable­s, les prouesses hors glace de l’équipe sont tout aussi impression­nantes. Toujours à l’affût des innovation­s, les cérémonies d’avant-match sont dignes d’un spectacle du Cirque du Soleil, rendant envieuses toutes les autres organisati­ons de la ligue grâce au modernisme et à l’avant-gardisme de l’organisati­on, incitant même les moins intéressés au hockey à suivre les matches des Golden Knights.

Un spectacle digne de la ville

En assistant à une rencontre à Vegas, les partisans ont droit à un spectacle digne de la ville, rien de moins, et cela crée un enthousias­me démesuré. Il y a un an, le risque associé à ce projet était légitime. Rien ne garantissa­it qu’un match de hockey pourrait rivaliser avec les spectacles et le showbiz de la région. Mais avec les performanc­es spectacula­ires des Knights et leur présence en finale, Gary Bettman et Bill Foley ont déjà gagné leur pari.

■ * Ancien directeur du bureau NBA Europe à Genève (basket), vice-président des Canadiens de Montréal (hockey), président des Alouettes de Montréal (football américain) et membre du Comité olympique canadien,

Ray Lalonde est consultant indépendan­t en management du sport.

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