Le Temps

SCÈNE À GENÈVE, «ROMÉO ET JULIETTE» N’ONT PAS LA FLAMME

- MARIE-PIERRE GENECAND Roméo et Juliette, Théâtre du Grütli, Genève, jusqu’au 17 juin. www.grutli.ch

Qu’a voulu raconter Camille Giacobino en montant Roméo et Juliette? C’est ainsi, lorsqu’on s’attaque à un tube du théâtre, il faut avoir quelque chose de particulie­r à en dire. Sinon, le spectacle s’enlise et, au Théâtre du Grütli, même la fraîcheur des deux comédiens principaux ne parvient pas à rompre le fatal ennui. Après un début dynamique et sensuel où la metteuse en scène joue sur l’ambiguïté sexuelle des inimitiés viriles – du déjà-vu, mais bien réalisé –, le rythme tombe et, à l’exception de l’excellente Léa Pohlhammer en nourrice culottée, le récit de cet amour à mort et la langue de Shakespear­e ne suffisent pas à faire pulser la soirée.

Une piscine et un échafaudag­e

A jardin, une piscine avec son fond bleu et son plongeoir à ras le bassin. A cour, un imposant échafaudag­e avec ses tubulaires et ses niveaux métallisés. Le scénograph­e Yann Joly a imaginé un décor sobre, racé, qui évoque autant l’aisance financière que le spleen et donne aux interprète­s de bons supports de jeu. C’est que le fond de la piscine mène à la coulisse et, bien souvent, les personnage­s en sortent comme par enchanteme­nt.

De son côté, l’échafaudag­e fait tout à la fois balcon, lit et allées où se promener, et permet aux tourtereau­x d’exprimer la hauteur de leur passion.

Le dépouillem­ent est bien pensé – il laisse la place au texte et à l’interpréta­tion. Les lumières, par contre, sont un peu moins réussies. Etonnant, lorsqu’on voit qu’elles sont signées Jean-Philippe Roy. Comme si la pénombre était plus subie que choisie et que ces deux blocs de scénograph­ie étaient difficiles à éclairer…

Mais le problème n’est pas là. Il se situe dans le manque d’intensité et de vivacité de la propositio­n. C’est troublant, car Camille Giacobino avait troussé en 2015 un magnifique Comme il vous plaira, du même Shakespear­e, une féerie d’été où la folie d’aimer vibrait sans discontinu­er. A y repenser, cette mise en scène ne stupéfiait pas non plus par son originalit­é, mais le spectacle était innervé, insolent, débordant de vie et d’envie.

Ici, Zoé Schellenbe­rg et Raphaël Vachoux sont bien seuls pour chanter leur amour qui, c’est vrai, haines familiales obligent, ne peut se consommer que loin de l’assemblée. Elle est peut-être là l’explicatio­n de cette morosité: Camille Giacobino réussit mieux ses embardées collective­s que ses duos amoureux. Reste le texte de Shakespear­e, qu’on entend bien. Pas de manière magique, mais on comprend tous les mots ou presque. Sinon, le souffle manque et quand le feu est ainsi éteint, même Shakespear­e fait soupirer.

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