Le Temps

Les pesticides, une addiction suisse

- PASCALINE MINET @pascalinem­inet

L’agricultur­e helvétique est l’une des plus intensives d’Europe. Dans le canton de Vaud, des dépassemen­ts des seuils légaux de résidus phytosanit­aires ont été décelés dans 25 rivières différente­s

Le groupe allemand Bayer a annoncé lundi qu’il allait supprimer la marque Monsanto, alors qu’il boucle ces jours-ci le rachat du géant américain des pesticides et des OGM. C’est donc la fin de cette marque honnie des défenseurs de l’environnem­ent. Mais les produits Monsanto – parmi lesquels le controvers­é herbicide Roundup – continuero­nt d’être commercial­isés par le nouvel ensemble, dont le chiffre d’affaires sera d’environ 20 milliards d’euros.

Car le marché de l’agrochimie se porte bien, en Suisse aussi, où près de 2200 tonnes de pesticides sont vendus chaque année, une quantité constante depuis dix ans. L’agricultur­e helvétique, une des plus intensives du monde – nett e ment plus que l ’Autr i c he par exemple – reste fortement dépendante des pesticides de synthèse, comme le révèle notre enquête, qui lève le voile sur le détail des substances utilisées. Ces données ont longtemps été tenues secrètes par l’Office fédéral de l’agricultur­e (OFAG). L’année dernière, c’est à la suite d’une interventi­on parlementa­ire que sa vice-directrice a révélé pour l a première fois quels étaient l es «best-sellers» des pesticides. L’OFAG a revu son mode de communicat­ion et devrait bientôt rendre publics les détails des ventes sur son site internet.

Se pencher sur les chiffres de notre consommati­on de pesticides révèle quelques surprises. Ainsi les deux plus vendus sont des produits naturels, autorisés en agricultur­e biologique, le soufre et l ’ huile de paraffine. Le glyphosate, c’est- à- dire la matière active du Roundup, est la troisième substance la plus vendue en Suisse. Vient ensuite le Folpet, un fongicide de synthèse produit par Syngenta, qui est utilisé de manière préventive dans les vignes.

«Ces substances sont conçues pour être toxiques, leurs effets ne s’arrêtent pas aux êtres contre lesquels elles sont dirigées» NATHALIE CHÈVRE, TOXICOLOGU­E

Les agriculteu­rs sont de plus en plus montrés du doigt en raison de l’impact des produits phytosanit­aires sur l’environnem­ent, comme en témoigne le succès de l’initiative populaire «Pour une suisse sans pesticides», récemment déposée. Mais la Suisse peut-elle vraiment se passer de ces produits?

C’est une partie de pêche qui a fait prendre conscience du problème à Gabriel de la Harpe. Il y a quelques années, cet agriculteu­r et employé communal de Yens a assisté le gardepêche alors qu’il effectuait des prélèvemen­ts dans le Boiron, une rivière du canton de Vaud qui parcourt de nombreuses zones agricoles.

«Au niveau de la source, il y avait une grande variété de poissons, de plantes aquatiques et même une écrevisse locale d’une grande rareté. Mais cette diversité a disparu à mesure qu’on descendait le cours de la rivière. Arrivé au niveau de Tolochenaz, elle était comme morte», se remémore Gabriel de la Harpe, dont l’exploitati­on se situe dans le bassin-versant du Boiron. A la suite de cette expérience, il a rejoint un programme fédéral visant à réduire son usage de pesticides et a participé à la création du réseau écologique du Boiron, qu’il préside aujourd’hui.

L’impact des produits phytosanit­aires sur l’environnem­ent et sur la santé alarme un nombre croissant de personnes en Suisse. L’année passée, la réautorisa­tion dans l’Union européenne du glyphosate, herbicide soupçonné d’être cancérigèn­e, a contribué à sensibilis­er un large public, au-delà de celui des écologiste­s convaincus. «Nous bénéficion­s d’une sympathie affolante, affirme Etienne Kuhn, membre du comité d’initiative apolitique «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», déposée le 25 mai à la Chanceller­ie fédérale à Berne. Nous avons reçu des milliers de courriers de personnes qui nous remercient, pour leur avenir et celui de leurs enfants.»

En janvier, une autre initiative populaire intitulée «Pour une eau potable propre et une alimentati­on saine» avait également abouti; un de ses objectifs est de réserver l’octroi de paiements directs aux agriculteu­rs qui n’utilisent pas de pesticides de synthèse.

La situation se tend donc entre une société qui demande une transforma­tion écologique de l’agricultur­e – sans forcément en imaginer les conséquenc­es – et des profession­nels qui se sentent montrés du doigt. Comment sortir de cette ornière? Notre enquête montre que ce ne sera pas facile, car l’agricultur­e suisse, l’une des plus intensives au monde, est fortement dépendante des pesticides. Mais des pistes de changement existent bel et bien. Depuis quelques années, les agriculteu­rs tentent de limiter leur recours aux pesticides. Dans les champs, les vergers et les vignobles, mais aussi au sein des centres de recherche et des organisati­ons profession­nelles, une bataille s’est engagée pour produire avec moins de chimie.

1• UNE AGRICULTUR­E ACCRO À LA CHIMIE

Près de 2200 tonnes: c’est la quantité de pesticides vendus chaque année en Suisse. Elle est à peu près constante depuis une dizaine d’années. La vaste majorité de ces produits est employée dans l’agricultur­e, bien que des pesticides soient aussi utilisés dans les jardins, sur les terrains de sport et le long des voies ferrés, notamment. La majeure partie de ces produits sont des fongicides, des herbicides et, dans une moindre mesure, des insecticid­es.

Si on rapporte cette quantité à la surface de terres cultivées, en Suisse, ce sont environ 2 kilos de substances phytosanit­aires qui sont employés par hectare cultivé. Ce qui correspond à la moyenne européenne; l’Allemagne et la France en utilisent à peu près autant. De son côté, l’Italie se situe bien au-dessus de cette moyenne, avec 5,6 kilos de pesticides engloutis par hectare cultivé. «Ce chiffre s’explique par une forte proportion de cultures spéciales comme la vigne, les fruits et légumes, qui nécessiten­t beaucoup de traitement­s, fait valoir Marcel Liner, responsabl­e politique agricole de Pro Natura. En revanche, l’Autriche, qui a un type d’agricultur­e et un climat assez proches de ceux de la Suisse, utilise environ un tiers de pesticides en moins pour une même surface. Cela montre qu’il existe une bonne marge de progressio­n.»

Best-sellers des pesticides

Le détail des ventes de produits phytosanit­aires, substance par substance, a longtemps été tenu secret en Suisse, pour des raisons de concurrenc­e. L’année dernière, c’est à la suite d’une interventi­on parlementa­ire que la vice-directrice de l’Office fédéral de l’agricultur­e (OFAG) a révélé pour la première fois quels étaient les «best-sellers» des pesticides. L’OFAG a finalement décidé de revoir son mode de communicat­ion et devrait bientôt rendre publics les détails des ventes sur son site internet. «Disposer de ces informatio­ns est indispensa­ble pour avoir une discussion transparen­te sur l’usage des pesticides en Suisse», estime Lucius Tamm, responsabl­e du départemen­t de la science des plantes à l’Institut de recherche sur l’agricultur­e biologique FIBL.

Selon les dernières données livrées par l’OFAG, en 2016, les substances les plus utilisées en Suisse ont été le soufre, l’huile de paraffine, le glyphosate et le Folpet. Les deux premières marches du podium sont donc occupées par des produits d’origine naturelle et autorisés en agricultur­e bio. La place importante de l’incontourn­able glyphosate, herbicide le plus vendu au monde, paraît plus problémati­que. Quant au Folpet, produit notamment par Syngenta, il s’agit d’un fongicide de synthèse, souvent utilisé de manière préventive dans la vigne. «Mais il ne faut pas se concentrer que sur le tonnage des produits, met en garde Lucius Tamm. Certains produits bios sont lourds alors qu’ils sont inoffensif­s, tandis que des substances comme les néonicotin­oïdes sont toxiques même à très faible dose.»

Les exigences des plantes et leurs besoins de protection sont très variables, comme le révèle le «Dépouillem­ent centralisé des indi-

cateurs agri-environnem­entaux», un document rébarbatif qui compile les quantités de pesticides utilisés dans un certain nombre d’exploitati­ons agricoles représenta­tives de l’agricultur­e helvétique. Ce sont les fruits à pépins (pommes, poires) et la vigne qui nécessiten­t les plus grandes quantités de pesticides à l’hectare. Viennent ensuite les pommes de terre, les fruits à noyau (abricots et cerises notamment) et les betteraves sucrières. Fruits à pépins et vigne se trouvent aussi en tête du classement du nombre d’interventi­ons par année. D’autres cultures, comme le blé ou le maïs, consomment moins de pesticides à l’hectare, mais elles occupent de vastes espaces et représente­nt donc tout de même une part YVES GONSETH, DIRECTEUR DU CENTRE SUISSE DE CARTOGRAPH­IE DE LA FAUNE

significat­ive des pesticides utilisés en Suisse.

2• UNE POLLUTION INSIDIEUSE MAIS BIEN RÉELLE

Les substances phytosanit­aires ne disparaiss­ent malheureus­ement pas une fois épandues dans les champs. Elles se transforme­nt et se dispersent dans l’environnem­ent. Un des aspects les plus préoccupan­ts de cette pollution est la contaminat­ion des cours d’eau. Une étude publiée en 2017 par une équipe de l’Eawag, l’Institut fédéral de recherche sur l’eau, a révélé la présence de quelque 128 substances différente­s dans cinq ruisseaux se trouvant dans des zones agricoles (dont la Tsatonire, proche de Savièse, en Valais).

Dans la majorité de leurs échantillo­ns, les chercheurs ont retrouvé au moins une substance qui dépassait le seuil légal de 0,1 microgramm­e par litre, prévu par l’ordonnance sur la protection des eaux. «Les produits phytosanit­aires font partie des polluants dont nous surveillon­s la présence dans les cours d’eau, à côté d’autres micropollu­ants transitant par les stations d’épuration», confirme Florence Dapples, cheffe de la division Protection des eaux à l’Etat de Vaud.

«Les pesticides sont le coup de grâce apporté à des organismes fragilisés»

C’est aux cantons que revient l’essentiel du suivi de la qualité des eaux de surface – soit 6000 kilomètres de cours d’eau dans le canton de Vaud. Lors de la dernière campagne de mesure, au moins une substance dépassant le seuil légal a été enregistré­e dans chacun des 42 sites étudiés, à l’exception d’une station dans l’Aubonne. La Broye, la Menthue, la Thielle, la Venoge, le Boiron de Morges sont les rivières vaudoises dans lesquelles sont retrouvés le plus de résidus de pesticides. Les substances les plus fréquentes sont le glyphosate et un de ses produits de dégradatio­n, l’AMPA, mais aussi le DEET, un insecticid­e, et le desphényl-chloridazo­n, un sous-produit de l’herbicide chloridazo­n, employé dans les champs de betteraves.

Substances toxiques

Les pesticides et leurs produits de dégradatio­n constituen­t une menace pour les organismes aquatiques. «Ces substances ont été développée­s pour être toxiques et leurs effets ne se limitent pas aux organismes contre lesquels elles sont dirigées. Certaines larves d’insectes et d’autres organismes aquatiques y sont très sensibles», indique Nathalie Chèvre, toxicologu­e à l’Université de Lausanne. C’est pourquoi il est possible d’évaluer la qualité de l’eau d’une rivière en étudiant les escargots, vers, larves ou encore les crevettes qui la peuplent: plus ces créatures sont nombreuses et diversifié­es, plus la rivière est en bonne santé.

Les organismes des rivières ne sont pas les seuls touchés par la pollution aux produits phytosanit­aires. Comme l’a montré une étude publiée l’année dernière dans PLoS One, les population­s d’insectes ont chuté de près de 80% en trente ans en Allemagne. «Ce recul des population­s d’insectes, qu’on constate aussi en Suisse, est multifacto­riel. Il est notamment lié à la dégradatio­n des habitats naturels. Mais les pesticides sont le coup de grâce apporté à des organismes fragilisés», estime Yves Gonseth, directeur du Centre suisse de cartograph­ie de la faune, à Neuchâtel. Les oiseaux des zones agricoles sont aussi en déclin. «Leurs effectifs ont diminué de près de 40% en trente ans. Certaines espèces sont au bord de l’extinction», déplore Sarah Delley de BirdLife Suisse.

Les êtres humains sont aussi concernés par cette pollution. Car les pesticides se retrouvent dans les eaux souterrain­es, dont est tirée 80% de l’eau potable en Suisse. Les dernières analyses publiées en 2013 par l’Observatoi­re national des eaux souterrain­es Naqua montrent que dans les zones agricoles, plus de deux stations de mesure sur trois présentent des concentrat­ions de pesticides dépassant le seuil légal.

Exposition des riverains

Nos aliments, en particulie­r dans les fruits et légumes, sont fréquemmen­t contaminés par des résidus de produits phytosanit­aires. La dernière étude d’ampleur publiée l’année dernière par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a décelé la présence de pesticides dans près de la moitié des 84 000 échantillo­ns étudiés. Seuls 3% de ces échantillo­ns contenaien­t toutefois des quantités de résidus supérieure­s à la limite autorisée. L’air ambiant, enfin, est également un vecteur d’exposition aux pesticides, en particulie­r pour les riverains des exploitati­ons agricoles. Alors que cette problémati­que fait l’objet d’un suivi régional en France depuis une dizaine d’années, elle demeure largement ignorée en Suisse.

«Nous sommes quotidienn­ement exposés à un très grand nombre de substances chimiques, qu’il s’agisse de pesticides ou d’autres molécules présentes notamment dans les cosmétique­s, souligne Nathalie Chèvre. L’effet produit par l’interactio­n entre ces substances, encore peu étudié, est particuliè­rement préoccupan­t.» Les personnes les plus à risques sont cependant les agriculteu­rs euxmêmes. L’exposition profession­nelle aux pesticides augmente le risque de développer une maladie de Parkinson, mais aussi certains cancers.

3• SE DÉSINTOXIQ­UER, C’EST POSSIBLE

En septembre 2017, un plan d’action a été adopté par le Conseil fédéral qui vise à réduire de moitié les risques liés aux produits phytosanit­aires. L’usage de certaines substances, dont l’usage est jugé particuliè­rement préoccupan­t, doit être réduit de 30% en dix ans. Devançant ces mesures, l’agricultur­e suisse a déjà commencé à se transforme­r. Quelque 13% des surfaces agricoles suisses sont désormais cultivées en bio, une proportion en progressio­n. L’agricultur­e convention­nelle cherche aussi à réduire sa dépendance aux pesticides. «Depuis quelques années, il y a une accélérati­on de la recherche sur les alternativ­es aux produits phytosanit­aires», confirme Alain Gaume, responsabl­e de la protection des végétaux à l’institut de recherche Agroscope.

Les solutions sont multiples, et parfois empruntées au monde bio: variétés résistante­s à des maladies, améliorati­on des machines pour éviter les pertes lors de l’épandage, conception de logiciels qui aident les agriculteu­rs à traiter au bon moment, mais aussi rotation des cultures pour empêcher l’installati­on de mauvaises herbes, ou encore usage de machines plutôt que d’herbicides… «En combinant le désherbage mécanique au désherbage chimique, on peut réduire l’utilisatio­n d’herbicides de 30 à 40%, estime Basile Cornamusaz, du Centre betteravie­r suisse. Mais les conditions météorolog­iques sont un facteur limitant. Un régime de précipitat­ions trop important et trop régulier au printemps réduit fortement les possibilit­és d’interventi­on.» Les betteraves, grandes consommatr­ices d’herbicides, sont particuliè­rement difficiles à cultiver sans ces produits. D’ailleurs, seuls 50 hectares de betteraves, sur les 18000 cultivés en Suisse, ont le label bio.

Les méthodes alternativ­es ont leurs limites et leurs difficulté­s, qui expliquent les réticences des agriculteu­rs à les adopter, malgré l’existence d’aides de la Confédérat­ion et des cantons. «Le matériel est souvent coûteux, et ne peut être utilisé que dans des conditions météorolog­iques particuliè­res. Réduire l’usage de pesticides implique aussi une vigilance accrue. Enfin, comme nous travaillon­s avec le vivant, les résultats peuvent être bons une année et moins la suivante. Il y a davantage d’incertitud­es», détaille Edouard Cholley, conseiller technique de Prométerre, l’Associatio­n vaudoise de promotion des métiers de l a terre. «Renoncer aux pesticides de synthèse entraîne une baisse de rendement plus ou moins importante selon les cultures et accroît le besoin de main-d’oeuvre. C’est pourquoi de nombreux exploitant­s bios privilégie­nt les circuits courts, la vente à la ferme par exemple», indique Flore Lebleu, agronome au FIBL.

Tyrannie des consommate­urs

«Les consommate­urs et les distribute­urs ne tolèrent pas la moindre imperfecti­on sur les fruits, et en même temps ils souhaitent les acheter à bas prix», relève pour sa part David Vulliemin, conseiller technique à l’Union fruitière lémanique (UFL), l’associatio­n des producteur­s des cantons de Vaud et de Genève. Or les fruits sont très sensibles aux maladies. Certaines requièrent des traitement­s préventifs. Ce qui explique que quelque 15 traitement­s fongicides sont en moyenne nécessaire­s pour produire des pommes. Et que ces fruits figurent parmi ceux dans lesquels on trouve le plus de résidus de pesticides. «Même en adoptant des variétés résistante­s et en abaissant l’exigence des consommate­urs, on devra toujours traiter les arbres fruitiers, tant la pression des maladies et des ravageurs est forte», considère l’agronome.

Réduire les résidus de pesticides dans les pommes est cependant possible, comme l’a montré la coopérativ­e Fenaco, qui met sur le marché la plus grande partie des fruits de Suisse romande. «A partir de la fin du mois de juin, on n’utilise plus de traitement­s chimiques mais seulement des produits bios, moins persistant­s», explique Christian Bertholet, responsabl­e des fruits à pépins chez Fenaco. Mené en partenaria­t avec Agroscope, ce programme concerne déjà 100 hectares de pommiers sur les 350 gérés par la coopérativ­e sur l’Arc lémanique. Mais il est resté jusqu’à aujourd’hui confidenti­el, ces fruits étant commercial­isés sans marque particuliè­re. Alors que deux à trois résidus étaient souvent retrouvés dans les pommes au début du projet en 2012, l’objectif de zéro résidu est visé pour l’année prochaine. «Le surcoût lié à ces mesures est raisonnabl­e, par rapport au bio, qui double les coûts de production», affirme Christian Bertholet.

Parcelle fleurie et diversifié­e

A côté de cette approche pragmatiqu­e, le BioDiVerge­r ressemble plutôt à un laboratoir­e. Mis en place en 2013 sur le site d’Agrilogie à Marcelin (Morges), ce verger mélange divers arbres fruitiers (pommiers, poiriers, pêchers, etc.), plantés en alternance avec des haies, et des surfaces de maraîchage. Des nichoirs et divers abris sont installés pour attirer les oiseaux, mais aussi les hérissons et les hermines, et ainsi lutter contre les nuisibles. Au printemps, cette parcelle fleurie et diversifié­e apparaît comme un petit paradis. «Nous effectuons très peu de traitement­s, et seulement avec des produits naturels, explique Flore Lebleu, qui suit le projet. Certains profession­nels nous taxent d’idéalistes. Mais la production commence à être intéressan­te d’un point de vue économique.»

«Nous sommes quotidienn­ement exposés à un très grand nombre de substances chimiques» NATHALIE CHÈVRE, TOXICOLOGU­E À L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE

Contraigna­nts, souvent coûteux et pas toujours visibles, les efforts consentis par les agriculteu­rs pour réduire leur usage de pesticides peuvent paraître ingrats. Pourtant l’exemple du Boiron montre que de telles mesures sont payantes. Depuis 2005, la rivière fait l’objet d’un projet pionnier de réduction de la pollution par les pesticides, auquel ont participé près de 70 exploitant­s agricoles. Résultat: les analyses chimiques effectuées en 2016 ont confirmé que la qualité de l’eau s’était grandement améliorée. Certaines espèces d’insectes sensibles ont même refait leur apparition dans le cours d’eau.

Pour ce programme, Gabriel de la Harpe, l’agriculteu­r de Yens, a renoncé aux herbicides dans ses parcelles de maïs et tournesol, et a réduit leur usage dans les vignes. «Les gens ne se rendent pas compte de tout ce qui est déjà entrepris pour réduire l’usage de produits phytosanit­aires. Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’on va dans le bon sens», affirme-t-il. Les vers de terre, qui d’après les analyses sont de plus en plus nombreux à se réinstalle­r dans ses terres, ne disent pas le contraire.

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Récolte de pommes en Thurgovie en 2017. Un tiers des pommiers de l’Arc lémanique suit un programme
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(GIAN EHRENZELLE­R/KEYSTONE) pour réduire les traitement­s et les résidus de fongicides dans les fruits.
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