Le Temps

Ignazio Cassis ne regrette rien

Le chef des Affaires étrangères rassure en s’inscrivant dans la politique du Conseil fédéral au Proche-Orient. Mais il assume aussi son discours non convenu

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

«La Suisse continue à tendre à une paix durable entre Israéliens et Palestinie­ns, sur la base d'une solution à deux Etats selon les frontières de 1967. Les colonies de peuplement israélienn­es sont illégales selon le droit humanitair­e.» Telle est en substance la réponse du chef du Départemen­t fédéral des affaires étrangères (DFAE), Ignazio Cassis, aux nombreuses questions qu'avaient posées pas moins de huit conseiller­s nationaux.

Le Tessinois était de loin le conseiller fédéral le plus attendu lors de l'heure des questions. Les propos qu'il a tenus à l'Aargauer Zeitung le 17 mai dernier ont suscité une polémique mondiale. Mais en raison d'un ordre du jour trop chargé, il n'a pas eu à se pré- senter à la tribune pour affronter les critiques émises par la gauche. Il y a répondu par écrit.

Ce lundi, Ignazio Cassis avait surtout à coeur de circonscri­re l ' i ncendie déclenché par ses propos. En revenant d'un voyage en Jordanie, Ignazio Cassis s'était montré très critique envers l'UNRWA, l'agence de l'ONU s'occupant des 5 millions de réfugiés palestinie­ns. Il avait estimé que cette agence était «devenue une partie du problème israélo-palestinie­n»: à force de développer la logistique dans les camps de réfugiés et d'en améliorer la formation et les soins, la Suisse ne contribuai­t pas à la solution du problème. Des propos surprenant­s que n'aurait jamais tenus son prédécesse­ur Didier Burkhalter et encore moins Micheline Calmy-Rey.

Soutien à l’UNRWA confirmé

Dans ses réponses, Ignazio Cassis a tenté de rassurer. Le Conseil fédéral conserve sa confiance dans l'UNRWA, pour laquelle elle a d'ailleurs débloqué en décembre 2016 des crédits oscillant entre 21 et 27 millions par année jusqu'en 2020. «Ce soutien financier est toujours valable. L'UNRWA continue de jouer un rôle capital pour la stabilité de la région et dans la lutte contre le radicalism­e», souligne le DFAE.

Cela n'empêche pas une remise en question régulière de l'engagement de l a Confédérat­ion. «C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les propos du chef du DFAE. En tant que contributr­ice importante de cette agence, la Suisse doit participer activement au processus de sa réforme à l'avenir», se justifie le départemen­t.

Ce lundi, c'était la grande question dans la salle des pas perdus du Conseil fédéral: Ignazio Cassis, qui s'est exprimé à ce sujet sans prendre l'avis du Conseil fédéral, a-t-il agi par inexpérien­ce politique, soit sans mesurer la véritable portée de ses déclaratio­ns, ou a-t-il voulu donner un coup de barre à droite dans la politique menée par la Suisse au ProcheOrie­nt?

Sans doute y a-t-il eu un brin de maladresse dans les nombreuses prises de position d'Ignazio Cassis ces deux dernières semaines. Mais il est beaucoup plus probable qu'il tente de se rapprocher d'Israël. Lorsque le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a traité d'une résolution prônant l'instaurati­on d'une commission indépendan­te d'enquête à la suite des violences israélienn­es à Gaza, non seulement la Suisse ne l'a pas soutenue, mais elle n'a même pas pris la parole pour expliquer son abstention.

La fiabilité ternie de la Suisse

«Cela a été interprété comme un rapprochem­ent d'Israël » , note Carlo Sommaruga (PS/GE), qui n'est pas du tout convaincu par l es débuts du nouveau ministre des Affaires étrangères. «Ignazio Cassis a d'abord violé le principe de collégiali­té au Conseil fédéral. Ensuite, il a pris le risque de remettre en cause la fiabilité de la Suisse dans le concert diplomatiq­ue internatio­nal en critiquant une institutio­n de l'ONU.»

Présidente de l 'Associatio­n Suisse- Israël, Corina Eichenberg­er ( PLR/ AG) soutient en revanche la politique d'Ignazio Cassis: «Il a voulu provoquer un débat sans tabou sur le rôle et le fonctionne­ment de l'UNRWA.» Selon elle, Ignazio Cassis tient à faire preuve d'une politique «plus équilibrée» au Proche-Orient. «Sous l'ère de Micheline CalmyRey et de Didier Burkhalter, la politique étrangère était plutôt pro-palestinie­nne. Ignazio Cassis ne fait qu'orienter la politique suisse vers une vraie neutralité envers les deux parties», souligne-t-elle.

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IGNAZIO CASSIS CONSEILLER FÉDÉRAL, CHEF DU DÉPARTEMEN­T FÉDÉRAL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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