Le Temps

Bayer biffe Monsanto pour sauver son image

Le géant allemand a annoncé lundi la disparitio­n du nom de Monsanto. Bayer tente de faire oublier la mauvaise réputation du groupe américain, acheté 62,5 milliards d’euros, et de son produit phare, le Roundup

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN

Monsanto ne devrait bientôt plus exister. Du moins, c’est son nom qui devrait bientôt disparaîtr­e, comme l’a annoncé lundi la direction du groupe allemand Bayer. Ce dernier prévoit de boucler d’ici au 7 juin son opération de rachat du géant américain de l’agrochimie et de tourner la page, officielle, de Monsanto. «Bayer demeurera le nom de l’entreprise. Monsanto en tant que nom d’entreprise ne sera pas maintenu», fait savoir un communiqué de Bayer. «Les produits issus de l’acquisitio­n conservero­nt leurs noms de marque et feront partie du portefeuil­le de Bayer», a toutefois précisé Werner Baumann, directeur général de Bayer. Sur le terrain, donc, les produits phares de Monsanto, tels que l’herbicide Roundup et ses OGM associés, Roundup Ready, continuero­nt d’être commercial­isés sous leur nom d’origine, mais associés au logo de Bayer.

Monsanto, le «grand méchant» de l’agrochimie

La direction n’a pas j ustifié cette décision mais celle-ci a peu surpris en Allemagne. Depuis l’annonce il y a deux ans de sa volonté d’acheter Monsanto, le «grand méchant» de l’agrochimie, Bayer est sous le feu des critiques, notamment de la part des organisati­ons environnem­entales et de l’opinion publique. Monsanto est associé au glyphosate, cet

agent «tueur d’abeilles», et aux OGM, très décriés en Europe. « Nous allons é c outer c eux qui nous critiquent et travailler ensemble», mais «le progrès ne doit pas être stoppé en raison d’un renforceme­nt des fronts

idéologiqu­es», a déclaré Werner Baumann dans un communiqué.

«Le nom glyphosate, associé à Monsanto, est évidemment le problème central de cette acquisitio­n, a expliqué Stefan Risse, expert des marchés financiers, interrogé par

la chaîne de télévision allemande N24. Son image est très négative. Mais en pratique, ce changement de nom n’aura pas beaucoup de conséquenc­es. On parle ici d’un business entre des entreprise­s et des agriculteu­rs qui connaissen­t déjà l es produits. Ils sauront reconnaîtr­e l ’ancien produit Monsanto derrière le nouveau nom Bayer.»

Pour Bayer, l’enjeu en termes d’i mage est énorme. Connu essentiell­ement pour son produit phare, l’aspirine, le groupe de Leverkusen est lui-même régulièrem­ent ramené à son passé par ses détracteur­s. Développem­ent de la bertholite durant la Première Guerre mondiale, un gaz de combat qui entraînait la mort par asphyxie, production pendant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du congloméra­t IG Farben du zyklon B, un gaz utilisé dans les chambres à gaz, scandale de produits contaminés au virus HIV dans les années 1980, le besoin de transparen­ce est évident.

Opération séduction

Le groupe tente donc de lisser son image. Bayer vient de lancer une opération de séduction via un site internet destiné à développer la transparen­ce sur ses produits agricoles. Il milite en parallèle aussi auprès de la Commission européenne pour obtenir une prolongati­on de l’autorisati­on de commercial­iser le glyphosate en Europe. Son argument clé: l’usage au compte-gouttes, et donc limité, de cet herbicide via des plantes adaptées.

En acquérant Monsanto, Bayer vise à maîtriser la chaîne agricole dans son intégralit­é, des semences aux pesticides. Si Bayer est leader en matière de pesticides en Europe et en Asie, Monsanto est le géant des semences et des pesticides aux Etats-Unis. Bayer compte donc générer d’importante­s synergies et renforcer la recherche et le développem­ent, notamment pour créer des plantes peu consommatr­ices d’eau et d’implants.

Bayer vise à maîtriser la chaîne agricole dans son intégralit­é, des semences aux pesticides

En attendant, Bayer doit mettre la main au porte-monnaie. Les 6 et 19 juin, le groupe allemand lancera une augmentati­on de capital de 6,9 milliards d’euros (7,97 milliards de francs) pour financer le rachat de Monsanto, qui s’élève à 62,5 milliards d’euros. Le journal Frankfurte­r Allgemeine Zeitung se demandait lundi si le prix à payer pour cette acquisitio­n n’était pas trop lourd en termes d’image et en termes financiers. Bayer a notamment été contraint de céder 9 milliards d’euros d’actifs à son compatriot­e BASF pour éviter toute situation de monopole.

 ?? (WOLFGANG RATTAY/REUTERS) ?? Depuis le rachat annoncé du décrié groupe américain Monsanto, Bayer est sous le feu des critiques, notamment de la part des ONG et de l’opinion publique, comme ici lors de son assemblée générale le 25 mai dernier à Bonn.
(WOLFGANG RATTAY/REUTERS) Depuis le rachat annoncé du décrié groupe américain Monsanto, Bayer est sous le feu des critiques, notamment de la part des ONG et de l’opinion publique, comme ici lors de son assemblée générale le 25 mai dernier à Bonn.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland