Le Temps

Les levées de fonds de cryptomonn­aies se soldent souvent par des échecs

Dans une étude, Morgan Stanley estime qu’un tiers des ICO réalisées en 2017 ont mal fini. Elles avaient permis de lever 1,3 milliard de dollars. Exemple emblématiq­ue, celui d’Envion à Zoug

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Morgan Stanley n’a jamais caché son scepticism­e à propos des cryptomonn­aies. En mars dernier, la banque américaine trouvait au bitcoin des allures de bulle internet. Sauf, expliquaie­nt alors des analystes, que le déroulemen­t est «15 fois plus rapide» que lors du krach de 2001. Après avoir flambé en fin d’année dernière, la monnaie virtuelle s’était ensuite effondrée. Elle s’échange actuelleme­nt autour de 7500 dollars (7386 francs).

Depuis, l es analystes n’ont pas fondamenta­lement changé d’avis. Certes, la banque s’était lancée en début d’année dans les «futures», ces contrats à terme qui permettent de miser sur l’évolution du bitcoin, comme ses concurrent­es. Mais elle se méfie de ces phénomènes dont les banques sont en grande partie exclues.

Dans une étude publiée lundi, les analystes décortique­nt notamment le phénomène des ICO, ces l evées de fonds à mi- chemin entre le crowdfundi­ng et l’entrée en bourse. Les entreprise­s émettent des jetons (token) en échange de fonds pour développer leurs activités. Une tendance qui a pris de l’ampleur depuis dixhuit mois. En 2017, 5,42 milliards de dollars ont été récoltés par ce biais, selon le site Token Economy, qui les recense. En 2018, la tendance s’est encore accentuée puisque 6,89 milliards ont déjà été rassemblés à fin mai.

Plus de fiascos que chez les start-up

Or ces levées de fonds se soldent souvent par des échecs, affirme Morgan Stanley. Ainsi, explique la banque, «environ 64% des ICO potentiell­es de 2017 ont échoué avant ou après avoir commencé leur levée de fonds. C’est un taux plus élevé que celui des faillites des start-up au cours de leur première année, qui est estimé à 25%.» Parmi celles qui ont pu récolter de l’argent, près d’un tiers (32%), soit 1,3 milliard de dollars, ont mal fini l’an dernier. Mais si «les ICO échouent largement, et rapidement, leur valeur n’atteint pas forcément zéro non plus», poursuiven­t-ils.

Un exemple? Envion, dont la valeur reste de 0,1198 dollar par jeton (contre 1 dollar à l’émission). Cette société berlinoise, venue s’installer à Zoug pour faire son ICO, proposait d’investir dans sa technologi­e devant permettre d’utiliser la blockchain en réduisant son empreinte écologique. Plus de 30000 personnes y avaient souscrit entre mi-décembre et mi-janvier dernier, rassemblan­t l’équivalent de 86 millions de dollars, soit l’une des ICO les plus importante­s jamais réalisées. Avant de s’effondrer en février suite à la découverte de la création frauduleus­e de jetons (environ 40 millions au total), ensuite revendus sur des places d’échange de cryptomonn­aies. Puis de virer à la guerre interne, certains soupçonnan­t le directeur d’avoir lui-même créé ces jetons supplément­aires pour s’assurer le contrôle de l’entreprise.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland