Le Temps

Bisbilles de quartier à Genève

- CATHERINE FRAMMERY @cframmery

La tension monte à l’approche du vote sur le nouveau quartier Praille-Acacias-Vernets. Grandes questions sur la classe moyenne au bout du lac et petites perfidies entre amis autour d’un projet très politisé

Noms d’oiseau, insinuatio­ns et bataille de chiffres: la campagne autour du vote de dimanche sur le quartier genevois PAV (Praille-Acacias-Vernets) s’est révélée un réservoir inépuisabl­e de polémiques, avec une accélérati­on ces derniers jours, à l’approche du scrutin. Le pharaoniqu­e projet, qui a pris plus de dix ans à aboutir devant les électeurs, prévoit en l’état deux logements pour chaque emploi créé, soit un potentiel de 12400 logements (et donc 6200 emplois). Proportion­nellement deux fois plus que dans le dernier projet, qui n’avait jamais trouvé son financemen­t. Une révolution à venir, alors que la pénurie d’habitation­s et les embouteill­ages pénalisent le développem­ent du canton depuis des années.

Mais au bout du lac, on s’écharpe sur la proportion de logements d’utilité publique et de propriétés par étages. Pour faire très vite, une grande partie de la droite, inquiète de se réveiller dans une banlieue française paupérisée, prône le «non», comme le secteur de l’immobilier, tandis que le projet est salué par la gauche et les associatio­ns de locataires. Mais le ralliement de certaines personnali­tés du camp bourgeois brouille la donne.

«Mark, tu as des intérêts dans ce truc ou quoi?????» Une des batailles du PAV se joue sur Facebook, où ont ferraillé ces derniers jours Christian Lüscher, PLR et avocat, et Mark Muller, également PLR et avocat. L’ex-conseiller d’Etat qui a dû démissionn­er en 2012, père du projet pour le secteur en 2010, fait son grand retour comme coprésiden­t du comité Pro PAV.

Le premier est contre le projet, tandis que le second a créé la surprise en faisant activement campagne en sa faveur. Réponse de Mark Muller: «Ça te dépasse qu’on puisse défendre ses conviction­s contre l’avis du parti, Christian?»

Le PLR appelle en effet à voter non. Christian Lüscher insiste, toujours amicalemen­t bien sûr: «Mark, qu’en est-il? Bises.» Il reviendra trois fois à la charge pour obtenir finalement cette réponse: «Je fonde mon engagement uniquement sur la conviction que la nouvelle loi PAV va dans le bon sens, et non, je n’ai jamais été mandaté par le départemen­t» d’Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chargé de l’Aménagemen­t, du Logement et de l’Energie. «Eh ben voilà!!!! Il suffisait de le dire clairement. Que de circonvolu­tions pour une réponse simple à une question qui l’était tout autant! Bises», écrit perfidemen­t Christian Lüscher…

62% de logements sociaux, comme dit le camp bourgeois, ou 20% d’habitation­s à bon marché, comme l’affirment les partisans du PAV? Les chiffres ont été triturés par toutes les parties pendant cette campagne. Un des combats concerne la PPE sur DDP – autrement dit, les 12% d’appartemen­ts à vendre avec droit de superficie à payer au canton, qui reste propriétai­re de la parcelle. «Un «Canada Dry» de la PPE», écrit le PLR.

«A la fin du droit de superficie, l’immeuble revient à l’Etat et le pseudo-propriétai­re n’a plus que ses yeux pour pleurer, victime d’un jeu de dupe», explique le député PLR Edouard Cuendet, toujours sur Facebook. «Pour la classe moyenne, c’est une excellente opportunit­é pour l’accessibil­ité à la propriété», rétorque l’élue verte Uzma Khamis Vannini, ex-avocate de l’Asloca, qui rappelle que «ce droit de superficie peut se transmettr­e, s’hériter, se vendre au même titre… tout en étant propriétai­re à prix abordable».

Quelle mixité sociale sied à Genève? Le vote de dimanche sera aussi soigneusem­ent observé du côté français de la frontière, où vivent de 40000 à 50000 Genevois.

Le projet Praille-Acacias-Vernets (PAV), sur une maquette de la ville de Genève présentée au public en 2016.

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(MARTIAL TREZZINI/KEYSTONE)

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