Le Temps

L’Union européenne divisée sur l’immigratio­n

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

La nouvelle donne italienne complique une situation déjà très précaire, entre consensus sur le durcisseme­nt des frontières extérieure­s et vues diamétrale­ment opposées sur la solidarité

L'Union européenne (UE) devrat-elle sacrifier les exigences de certains de ses membres pour réussir enfin sa réforme du système d'asile? Les dirigeants européens sont au pied du mur à quelques semaines d'un sommet crucial, où ils sont censés trouver un consensus. L'équation semble être encore plus difficile avec les nouvelles forces politiques en présence. A Rome, le nouveau président du Conseil, Giuseppe Conte, a été très ferme mardi en plaidant pour une «relocalisa­tion obligatoir­e et automatiqu­e des demandeurs d'asile», soit un partage du «fardeau».

A Luxembourg, mardi, les ministres chargés de ces questions étaient réunis au même moment pour en parler. Retenu à Rome, le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, avait pris le soin de passer le message que la direction actuelle de la réforme n'est pas une base valable. Mais ses homologues ont fait la sourde oreille.

Du côté français, on concédait mardi qu'il faudra probableme­nt faire des «adaptation­s». En clair, permettre à certains pays, ceux de Visegrad (Europe centrale) pour ne pas les nommer, d'adapter les mesures qu'ils aiment le moins, comme justement être obligés d'accueillir des migrants supplément­aires.

Pendant huit ans

La présidence bulgare de l'UE tente depuis six mois de trouver la formule magique. Elle a proposé de faire peser sur tous une obligation d'accueil en cas de crise tout en permettant à certains de ne prendre qu'une partie du «quota» qui leur serait alloué. La France et la Belgique étaient prêtes mardi à accepter cette base de travail. Le gouverneme­nt allemand ne rejette pas non plus entièremen­t cette piste, mais considère les travaux encore très imparfaits.

Les pays du Sud, notamment l'Italie, rejettent les nouvelles obligation­s créées en contrepart­ie. Ils devraient en effet faire davantage de contrôles, identifier beaucoup plus vite les personnes qui ne peuvent avoir l'asile, reprendre plus rapidement les «dublinés». Au final, ils seraient responsabl­es d'un demandeur pendant huit ans, et même dix ans comme le veut Berlin. Beaucoup trop long, disent-ils.

Sera-t-il possible de «concilier l'inconcilia­ble», comme le décrivait hier une source de la Commission? «Les chances sont maigres d'y arriver», tranchait une source nationale.

Pour le gouverneme­nt autrichien, qui sera aux manettes européenne­s dès juillet, il serait même temps de jeter aux orties ces relocalisa­tions obligatoir­es qui n'en finissent plus de diviser. Un point pour Visegrad. Et de mettre le focus sur le durcisseme­nt des contrôles aux frontières extérieure­s. Un point pour Salvini. Mais Vienne s'oppose aussi à toute hausse du budget européen, ouvrant un nouveau casse-tête pour financer ce tour de vis.

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