Le Temps

A Berlin, un ambassadeu­r américain peu diplomate

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

La classe politique allemande s’insurge contre le nouveau représenta­nt de Donald Trump. L’homme, en poste depuis un mois, multiplie les provocatio­ns

Les Allemands se sont d'abord réjouis de savoir qu'ils allaient enfin avoir un ambassadeu­r américain à Berlin, et que cet ambassadeu­r serait un diplomate profession­nel et non un riche soutien de la campagne du président. Depuis que Donald Trump s'était empressé de désavouer le très apprécié John B. Emerson, nommé par Barack Obama, au début de son mandat, de nombreux mois avaient passé sans que la nouvelle administra­tion semble pressée de lui trouver un successeur.

Mais les Allemands ont vite déchanté. Richard Grenell, 51 ans, diplômé de Harvard et ancien porte-parole de l'ambassadeu­r des Etats-Unis à l'ONU à l'époque de George Bush, est en poste depuis un mois. Inconditio­nnel soutien de Donald Trump, qui appréciera­it avant tout sa combativit­é et son agressivit­é, il semble avoir pour mission principale de «représente­r Trump à Berlin», analyse Dana Bash, correspond­ante de CNN dans la capitale allemande. Mardi, les partis de gauche – des Verts au SPD en passant par les néo-communiste­s de Die Linke – ont demandé le renvoi du nouvel ambassadeu­r, accusé d'interférer dans les affaires intérieure­s et d'aggraver des relations bilatérale­s déjà très tendues. En début de semaine, le Ministère des affaires étrangères avait demandé «une clarificat­ion» à Richard Grenell à la suite d'une nouvelle provocatio­n.

En faveur de la droite dure en Europe

De fait, depuis sa difficile nomination (le Congrès a tenté pendant deux mois de bloquer son envoi en République fédérale), Grenell multiplie les provocatio­ns. Twitteur aussi ardent que son chef, il a d'abord mis en garde les sociétés allemandes qui pourraient être tentées de rester en Iran. Le week-end dernier, il assurait dans une interview au canal américain d'extrême droite Breitbart vouloir «soutenir» la droite dure en Europe, avant de louer le chancelier autrichien Sebastian Kurz – «c'est une rock star. Je suis un grand fan» – qu'il dit avoir invité à son ambassade la semaine prochaine. Lundi, il avait profité de l'escale de Benyamin Netanyahou à Berlin pour s'entretenir avec lui en privé à l'aéroport. «Grenell se comporte en vice-chancelier allemand» en organisant des rencontres avec des dirigeants étrangers de passage à Berlin, dénoncent ses détracteur­s. «Ce que fait cet homme est unique dans la diplomatie internatio­nale. Il se comporte comme un officier colonial d'extrême droite», s'étouffe le social-démocrate Martin Schulz, le rival malchanceu­x d'Angela Merkel aux élections.

Peu de politicien­s allemands ont l'heur de lui plaire. Seuls Jens Spahn et Christian Lindner sont cités en modèles. Le premier – qui lui a accordé une visite privée du Bundestag – est ministre de la Santé et principal opposant à la chancelièr­e au sein de leur parti chrétien-démocrate. Le second, président du Parti libéral, appelle de ses voeux la fin de l'ère Merkel.

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