Armes nucléaires: le National vote contre Cassis
La Chambre basse demande au Conseil fédéral de soumettre au plus vite au parlement la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté par l’ONU en juillet 2017. Le chef du DFAE reste très sceptique
La cause de l’interdiction des armes nucléaires gagne du terrain au parlement. Mardi, le Conseil national a approuvé par 100 voix pour, 86 contre et une abstention une motion du conseiller national genevois Carlo Sommaruga exhortant le Conseil fédéral à soumettre au plus vite aux Chambres fédérales la question de la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Pour le chef du Département fédéral des affaires étrangères, Ignazio Cassis, c’est une défaite. Dans son allocution, le conseiller fédéral a invité les conseillers nationaux à refuser la motion.
Adopté par 122 Etats à l’ONU à New York en juillet 2017, le traité, ratifié par plusieurs pays, prohibe de développer, stocker et menacer d’utiliser de telles armes.
«Un travail collectif»
Alors qu’il y a quelques mois, les tenants du parapluie nucléaire américain étaient encore relativement entendus à Berne, le discours a quelque peu changé. Rien n’est bien sûr joué, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats et la plénière de la Chambre haute devront encore s’exprimer. Mais Carlo Sommaruga se dit satisfait des progrès accomplis: «C’est un travail collectif de conviction effectué au cours de plusieurs mois.» «En matière de désarmement, la société civile joue un rôle essentiel, poursuit Carlo Sommaruga. Elle insuffle une dynamique nouvelle qui submerge la raison d’Etat invoquée par certains pays.»
ICAN (Campagne pour l’abolition des armes nucléaires, Prix Nobel 2017) Suisse a mené un lobbying intense auprès des élus fédéraux. Le président du Comité international de la Croix-Rouge, Peter Maurer, et l’actuelle présidente de la Croix-Rouge suisse, Annemarie Huber-Hotz, se sont fendus d’une tribune musclée dans Le Temps et la presse alémanique pour persuader les Chambres fédérales de ratifier le traité. «La Suisse s’apprête à prendre une décision capitale qui mettra à l’épreuve sa longue tradition humanitaire», affirment-ils, rappelant que la Suisse est la dépositaire des Conventions de Genève.
«Les armes nucléaires jouent un rôle important»
Malgré ces arguments, le chef de la diplomatie suisse reste très sceptique. L’approche proposée par le traité d’interdiction est «radicale et a été refusée depuis le début par les Etats possesseurs d’armes nucléaires et leurs alliés». Pour Ignazio Cassis, le traité fait fi des réalités géostratégiques. «Les armes nucléaires jouent un rôle important dans les doctrines de sécurité de beaucoup d’Etats.» Le chef de la diplomatie considère de fait le document comme étant de nature «déclaratoire». On ne fera pas avancer le désarmement en stigmatisant des pays comme les Etats-Unis, la Chine et la Russie, explique en substance Ignazio Cassis. Lequel tient aussi un discours étonnant, sachant que la Suisse a voté pour le traité à New York, avec des réserves il est vrai. «Le traité a été très rapidement négocié» et il conviendra d’en analyser la robustesse juridique. Le conseiller fédéral s’appuie sur nos Etats voisins, qui sont tous clairement opposés au traité, omettant de mentionner l’Autriche, qui l’a ratifié. Une étude interdépartementale des implications du traité est en cours, ses conclusions devraient être connues cet été.
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