Le Temps

«Nous devons proscrire le suremballa­ge»

Les produits en vente sont souvent suremballé­s, dénonce le mouvement Plastic Attack, qui a lancé sa première action en Suisse le 2 juin. Une nouvelle discipline, l’éco-conception, demande une approche plus responsabl­e dans le domaine

- JULIE SCHÜPBACH @julie_schups

De la barquette en plastique contenant nos tomates en passant par les briques de lait, en un rien de temps, nos poubelles sont remplies d’emballages. Depuis 1950, 8300 millions de tonnes de plastique ont été produites à cette fin dans le monde, dont seulement 7% ont été recyclées. En Suisse, les emballages représente­nt 50% du volume des poubelles et 30% de leur poids. De quoi faire réfléchir sur le bien-fondé de ces différente­s enveloppes protectric­es.

Face à cette problémati­que, un nouveau domaine se développe: l’éco-conception. Le défi consiste à prévoir l’emballage le plus responsabl­e possible, au cas par cas. Matières, bilan CO2 et énergie grise, tout est calculé afin de trouver le bon compromis entre environnem­ent et réalités de vente. Le Temps a rencontré Julien Boucher, chercheur à la HEIG-VD et fondateur du Pôle éco-conception suisse, qui intervenai­t récemment dans une conférence organisée par la Coopérativ­e romande de sensibilis­ation à la gestion des déchets (Cosedec).

Comment déterminer le choix du meilleur emballage en prenant en compte l’environnem­ent? Avec le risque de surprendre, il n’existe actuelleme­nt pas de matière miracle, valable partout et en tout temps. Lors d’une étude d’éco-conception, nous analysons tout le cycle de vie du produit et de son emballage. Le choix du verre, du plastique ou du carton dépend donc de nombreux facteurs liés à la production, tels que le respect de la chaîne du froid, la gestion locale des déchets occasionné­s, ainsi que divers facteurs économique­s.

Par exemple, si l’on remplaçait toutes les bouteilles en plastique par du verre, le bilan CO2 d’une bouteille exploserai­t, car un contenant plus lourd demande au camion, au cargo ou à l’avion le transporta­nt de consommer plus de carburant. Finalement, l’attitude des consommate­urs est capitale. Sachant qu’une bouteille en plastique pèse environ 32 grammes, si tout le monde décidait d’en utiliser une de moins aujourd’hui, le gain serait de plus de 220000 tonnes de matière. Nous sommes sept milliards d’individus à créer le problème, mais aussi à pouvoir agir!

Pourquoi ne pas tout simplement abolir les emballages? Bien que la collectivi­té ait tendance à considérer les emballages uniquement comme des déchets, ils ont une utilité. C’est ce que nous appelons le «paradoxe de l’emballage». Dans le cas des aliments, ils permettent une meilleure conservati­on des produits, minimisent la perte alimentair­e et servent au respect des normes d’hygiène. La vente en vrac est à valoriser, mais elle ne peut répondre à tous les cas de figure, ni à tous les types de produits.

Concernant le plastique, tout le challenge est de l’utiliser uniquement quand il est réellement nécessaire. En ce sens, le plastique à usage unique ou en quantité disproport­ionnée doit être fortement réduit, voire banni. Autrement dit, il faut proscrire le suremballa­ge, mais pas l’emballage. In fine, l’important est de stopper la fuite des déchets dans l’environnem­ent. Un effort continu d’éducation à une consommati­on raisonnée et à une bonne gestion des déchets doit être fait.

A Lausanne, vous avez engagé une démarche d’éco-conception sur les bières de la Brasserie Dr Gab’s. Quelles en sont les conclusion­s? En 2001, la Brasserie Dr Gab’s a commencé son commerce en souhaitant vendre des bières aux petits revendeurs locaux. Sensibles à l’environnem­ent, ses fondateurs avaient fait le choix de privilégie­r des bouteilles consignées, lavables et réutilisab­les, faites de verre brun passableme­nt épais, et donc lourdes. Aujourd’hui, les bières sont distribuée­s en grande surface et les gérants ont souhaité savoir si ce choix était toujours adapté. Après un écobilan, nous avons pu déterminer que oui. Par contre, des améliorati­ons pouvaient être faites, comme le développem­ent d’une bouteille à usages multiples allégée.

De plus, un travail sur les cartons de regroupeme­nt a également été fait, afin d’imaginer une fermeture par pliage permettant de supprimer intégralem­ent la colle utilisée jusqu’alors.

«Tout le challenge est d’utiliser le plastique seulement quand il est réellement nécessaire»

L’analyse méthodique des emballages et leur améliorati­on serait donc la solution? Oui, l’éco-conception consiste à intégrer les filières de gestion de déchets à la base de la réflexion de création d’un emballage ou d’un produit. Une démarche fondée sur le souhait de concevoir un cercle vertueux abolissant la création de déchets. Pour aller plus loin, la commercial­isation de produits devrait être autorisée uniquement si des filières de recyclage locales existent. Mais je suis optimiste et convaincu que d’ici à cinq ans, tout produit commercial­isé en Suisse aura l’obligation d’intégrer une réflexion d’éco-conception.

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(DOM SMAZ POUR LE TEMPS) L’éco-conception prône de prévoir l’emballage le plus responsabl­e au cas par cas.
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DU PÔLE ÉCO-CONCEPTION SUISSE
JULIEN BOUCHER FONDATEUR DU PÔLE ÉCO-CONCEPTION SUISSE

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