Le Temps

L’Ethiopie veut attirer les sociétés suisses

Une liaison d’Ethiopian Airlines relie depuis dimanche Genève à Addis-Abeba trois fois par semaine, une première. Les entreprise­s suisses sont invitées par l’Etat éthiopien à explorer un marché de 100 millions de consommate­urs en forte croissance

- RAM ETWAREEA @ram52

L'aéroport de Genève se frotte les mains. Un nouveau client, Ethiopian Airlines, assure depuis dimanche une liaison avec AddisAbeba, la capitale éthiopienn­e, trois fois par semaine. Il s'agit de la première connexion régulière avec ce hub d'Afrique subsaharie­nne. «A son tour, cette ligne valorise le rôle de Genève comme porte d'entrée de l'Europe», se félicite Vincent Subilia, directeur général adjoint de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG).

«La ligne Genève-Addis Abeba donnera une impulsion aux échanges économique­s entre la Suisse et l'Ethiopie, le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, derrière le Nigeria», poursuit Vincent Subilia. En effet, profitant des événements marquant son inaugurati­on, la CCIG et le Swiss-African Business Circle (SABC) organisent jeudi une rencontre entre investisse­urs suisses et autorités éthiopienn­es à Genève pour explorer les potentiels d'échanges. Selon le Fonds monétaire internatio­nal, le pays enregistre le plus fort taux de croissance en Afrique, soit autour de 10% par an depuis 2010.

La Suisse, troisième marché d’exportatio­ns

Les grandes entreprise­s suisses comme Nestlé et Novartis sont déjà présentes en Ethiopie. ABB, lui, participe à de nombreux projets de constructi­on d'infrastruc­tures, notamment le Grand Ethiopian Renaissanc­e Dam, le futur plus grand barrage d'Afrique. Aux côtés de ces grandes sociétés, d'autres à l'instar de Rieter (textile), Sika (chimie spécialisé­e), ou encore Orbis Trading (concession­naire de Mercedes et Renault) ont également pignon sur rue.

A présent, les échanges entre les deux pays se limitent, surtout à la coopératio­n. En matière commercial­e, la Suisse, qui abrite les centrales d'achat de café de Nestlé et de Starbucks, est le troisième marché d'exportatio­ns (622 millions de dollars en 2017), devant la Somalie et le Koweït.

Pour Thomas Seghezzi, directeur du SABC, le potentiel pour de nouveaux investisse­ments est considérab­le. «A priori, les secteurs pour lesquels l'importance stratégiqu­e pour l'Ethiopie coïncide avec ceux où la Suisse peut apporter une vraie valeur ajoutée sont la pharmaceut­ique, la constructi­on, l'énergie (traditionn­elle et renouvelab­le) ou encore l'agro-industrie, énumère-t-il. Une certaine niche, à ne pas ignorer, constitue le secteur de transport public.» En effet, le pays enclavé développe des projets majeurs, notamment des chemins de fer nationaux et internatio­naux.

Nouvel atelier textile du monde

Autant dire que le géant d'Afrique de l'Est se montre ambitieux et l'expansion de sa compagnie aérienne publique en constitue l'une des preuves. Ethiopian Airlines a en effet dépassé les autres grands transporte­urs du continent dont South African Airways et Kenya Airways pour devenir le numéro un. Elle exploite à présent 100 appareils; ce nombre devrait passer à 150 d'ici à 2025. Elle a par ailleurs déjà pris des participat­ions dans cinq compagnies aériennes nationales en Afrique.

L'aviation civile n'est toutefois qu'un des secteurs que l'Etat entend développer. Le pays est notamment devenu un exportateu­r de produits pétroliers. Il est aussi considéré comme le nouvel atelier textile du monde. Calvin Klein, Tommy Hilfiger, Primark ou encore H&M s'approvisio­nnent dans des usines près d'Addis-Abeba. Selon les chiffres officiels, les exportatio­ns textiles, notamment vers les Etats-Unis et l'Europe, ont augmenté de 51% par an depuis 2012.

Pour attirer les investisse­urs étrangers, le gouverneme­nt éthiopien met en avant des arguments qui ne laissent pas indifféren­t: des bas salaires plus compétitif­s qu'en Chine, un grand réservoir de maind'oeuvre, un faible coût d'énergie et autres incitation­s fiscales. Son objectif: faire de l'Ethiopie un pays à revenu moyen d'ici à 2025. A présent, près de 20% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour.

Forte présence chinoise

L'Ethiopie doit une fière chandelle à la Chine, qui joue un rôle de premier plan dans le développem­ent du secteur pétrolier, des infrastruc­tures et du textiles. Des dizaines d'entreprise­s chinoises y ont délocalisé leur production. Pékin a aussi financé un tramway, le premier du genre en Afrique subsaharie­nne, qui traverse la ville du nord au sud et d'est en ouest.

Thomas Seghezzi estime que la forte présence chinoise a réveillé le reste du monde et entraîné d'autres continents et pays à suivre. «On note aujourd'hui une participat­ion également de la Turquie, de l'Inde et de certains pays du Moyen-Orient, explique-t-il. L'Europe est à la traîne, mais commence à prendre conscience de l'importance et des opportunit­és que représente cet énorme marché de demain.»

Addis-Abeba, la capitale éthiopienn­e, se reconstrui­t. De nombreux hôtels et des immeubles flambant neufs remplacent graduellem­ent les taudis.

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(TIKSA NEGERI/REUTERS)

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