Le Temps

En rachetant GitHub, Microsoft veut se réconcilie­r avec les développeu­rs

Le géant de Redmond a déboursé 7,4 milliards de francs pour acquérir cette plateforme populaire auprès des développeu­rs. Un signe de plus que Microsoft dépend moins de son produit phare Windows

- LOÏC PIALAT, LOS ANGELES @loicpialat

La dernière acquisitio­n de Microsoft a séduit Wall Street. Après l’officialis­ation du rachat de GitHub, l’action du groupe a terminé la journée de lundi en hausse et a débuté celle de mardi en progressio­n. Le groupe n’a pas hésité à verser 7,4 milliards de francs (en actions) pour mettre la main sur une start-up valorisée à moins de 2 milliards il y a trois ans. Mais la plateforme est devenue une référence, utilisée par 28 millions de développeu­rs collaboran­t sur 60 millions de projets.

GitHub, fondée en 2008, héberge entre autres des projets de logiciels en open source. Leurs créateurs laissent d’autres développeu­rs y collaborer. Si la plateforme attire les indépendan­ts, plus de 1,5 million d’entreprise­s ou d’agences gouverneme­ntales l’utilisent également. Microsoft en était d’ailleurs le premier contribute­ur. PowerShell et Visual Studio Code y sont notamment hébergés et 1000 employés du groupe y sont régulièrem­ent actifs.

Avec ce rachat, Microsoft ne s’attend pas à gagner de l’argent. Pas directemen­t en tout cas – GitHub ne dégage pas de bénéfices. Mais dans un marché du cloud où l’entreprise enregistre sa plus forte croissance de revenus (97% sur l’année fiscale 2017 pour Azure) et face à la concurrenc­e d’Amazon Web Services, un accès privilégié à 28 millions de développeu­rs n’a pas de prix.

Méfiance de la communauté open source

C’est ce qui conduit certains à ne voir dans tout cela qu’une opération marketing. Microsoft voudrait revenir en grâce auprès d’une communauté échaudée par la guerre menée contre l’open source dans les années 1990 et 2000. A l’heure de commenter l’acquisitio­n, les médias américains ont rappelé à loisir les mots de Steve Ballmer, l’ancien patron de Microsoft, qualifiant en 2001 Linux de «cancer».

Des développeu­rs, redoutant de se voir imposer les outils de Microsoft ou des changement­s de tarifs, ont vite évoqué l’idée de rejoindre la concurrenc­e. GitLab, un rival de GitHub, a fait savoir que l’activité sur sa plateforme avait décuplé au cours du week-end, soit juste après les premières rumeurs de vente.

«Ceux qui rejettent cette prise de pouvoir se répartisse­nt en trois camps», explique au Temps Sam Newman, consultant spécialist­e du cloud. «Ceux qui ne pardonnent pas à Microsoft ses comporteme­nts passés. Ceux qui s’inquiètent de voir GitHub péricliter tel Skype, un exemple d’acquisitio­n mal gérée. Et ceux qui s’alarment de la centralisa­tion grimpante des plateforme­s et des données technologi­ques aux mains d’un petit groupe d’entreprise­s», dit-il. «Personnell­ement, même si le passé me rend méfiant, je suis enclin à leur laisser le bénéfice du doute. Il y a des gens formidable­s qui y travaillen­t et ils ont fait de grandes choses récemment».

L’influence de Satya Nadella

Car Microsoft a changé. Maintenant que l’entreprise dépend moins de Windows, l’open source lui fait moins peur. Satya Nadella, arrivé en 2014, incarne ce changement. Sa rencontre avec les dirigeants de GitHub a été, semble-t-il, décisive. Il a mis en avant l’indépendan­ce maintenue de LinkedIn (acquis pour 26 milliards de dollars en 2016) ou de Mojang (éditeur du jeu Minecraft).

«Les dévoloppeu­rs au centre de l’économie numérique»

«Les développeu­rs seront demandés partout. Ils seront au centre de l’économique numérique», a voulu rassurer Nadella sur la chaîne CNBC. «Et Microsoft a un héritage. Nous étions d’abord une entreprise mettant à dispositio­n des outils pour les développeu­rs», a-t-il ajouté.

GitHub privilégia­it le rachat à une entrée en bourse, d’où la satisfacti­on de son cofondateu­r de 33 ans, Chris Wanstrath. «L’accent mis par Microsoft sur les développeu­rs s’aligne parfaiteme­nt avec notre philosophi­e. Leur échelle, leurs outils et le cloud joueront un grand rôle pour donner plus de valeur encore à GitHub», s’est réjoui le désormais ex-dirigeant, qui recevra au passage 1,5 milliard de dollars selon le magazine américain Forbes.

Autre grand gagnant de l’opération, la firme de capital-risque Andreessen Horowitz qui récupérera­it 1 milliard de dollars après avoir investi 100 millions dans la start-up en 2012.

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