Le Temps

Pour un nouveau contrat social à Genève, par David Hiler

- ANTONIO GAMBARDELL­A DIRECTEUR DE LA FONDATION GENEVOISE POUR L’INNOVATION TECHNOLOGI­QUE

En Suisse, l’âge moyen des entreprene­urs au moment de lancer leur start-up est proche de 40 ans

Pas un jour ne se passe sans qu’un politique, un chef d’entreprise ou la presse n’évoque l’importance de l’innovation. Mais de quoi parlet-on? L’OCDE définit l’innovation comme un processus de transforma­tion d’une idée ou d’une invention en produits utiles et utilisés, qui génère une valeur économique et sociale. En d’autres termes, l’innovation crée de nouvelles entreprise­s et génère des emplois. Une start-up n’est rien d’autre qu’une structure engagée dans cette métamorpho­se consistant à aller d’une idée à un produit final commercial­isable.

L’innovation est un travail de longue haleine. Un itinéraire qui va de la recherche fondamenta­le au sein des grands instituts académique­s à la commercial­isation, en passant par la constituti­on d’équipes, les levées de fonds et les défis de la gouvernanc­e. La phase d’incubation, fondamenta­le, permet de doper les capacités de ces chefs d’entreprise engagés dans ce processus complexe, gourmand en ressources et expériment­al. Un acteur tel que la Fondation genevoise pour l’innovation technologi­que (Fongit) joue, dans ce processus, un rôle de catalyseur, autant que d’accélérate­ur.

Les pouvoirs publics, qui soutiennen­t nos incubateur­s, de même que les citoyens, attendent des résultats. Et se demandent s’il existe la moindre chance de voir émerger une entreprise phare, qui contribuer­ait à consolider la réputation de la Suisse en tant que nation d’innovation. Ces questions sont légitimes. Nos incubateur­s produisent d’excellents résultats avec des entreprise­s solides, apportant une valeur économique durable à la société. A Genève, les 60 jeunes pousses soutenues par la Fongit emploient 250 personnes à des postes hautement qualifiés. Elles ont même levé 150 millions de francs ces quatre dernières années.

Parmi ces start-up, plusieurs sont aujourd’hui des leaders internatio­naux dans leur secteur d’activité. Comme, par exemple, Selexis. Fondée à la Fongit en 2001, cette pépite est entre-temps passée de 1 à 80 employés. Elle vient d’être intégrée au sein de l’une des plus grandes entreprise­s biotechnol­ogiques au monde, tout en conservant ses activités et postes de travail à Genève. Orbiwise est un autre modèle parlant. Soutenue par la Fongit, cette entreprise s’est imposée comme une référence mondiale de l’internet des objets et fournit notamment le géant indien Tata. Elle emploie 60 collaborat­eurs dans le monde, dont 25 à Genève.

Engagement, stabilité et vision à long terme sont les ingrédient­s indispensa­bles à l’émergence de l’innovation. Parce que le temps de l’innovation dépasse celui du politique, il nous faut intégrer ce long terme et nous concentrer sur le renforceme­nt des structures existantes qui ont fait leurs preuves. En Suisse, comme dans le reste du monde, l’âge moyen des entreprene­urs au moment de lancer leur start-up est proche de 40 ans. En matière d’innovation, plus qu’ailleurs, le succès est avant tout le fruit de l’expérience… et d’échecs formateurs.

Le temps de l’innovation dépasse également celui des tendances technologi­ques. De même, il est inutile de se laisser aveugler par les dernières percées en la matière, tour à tour présentées comme révolution­naires (big data, cleantech, fintech et, plus récemment, blockchain ou intelligen­ce artificiel­le). Car si les buzzwords sont les révélateur­s d’un potentiel technologi­que manifeste, seul le travail d’innovation à longue échéance permet de transforme­r ce potentiel en valeur économique réelle et durable.

Le concept de masse critique est lui aussi fondamenta­l pour le développem­ent de pôles d’innovation. Cela est d’autant plus vrai pour des hubs relativeme­nt jeunes comme celui de Genève. Aujourd’hui, le canton sous-estime encore la valeur potentiell­e de sa scène d’innovation et des technologi­es issues du CERN, de l’Unige et de l’EPFL. Mais aussi des richesses qui proviennen­t de ses industries, ses PME, ses start-up et de ses organismes de soutien. Notre priorité doit aller à la consolidat­ion de cet écosystème et au développem­ent des synergies entre des structures ayant fait leur preuve, plutôt qu’à la dispersion de nos forces dans des initiative­s disparates.

Alors que Genève entame une nouvelle législatur­e, ayons le bon sens de renforcer une politique qui a démontré son efficacité. Il nous faut garder à l’esprit que 90% des produits et des services que nous consommero­ns dans dix ans n’existent pas encore aujourd’hui. Il est donc important de poursuivre cet engagement en faveur des acteurs ayant fait leurs preuves dans le domaine de l’innovation. L’enjeu est simple, celui des emplois du futur. ▅

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