Le Temps

La disparitio­n

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug

Elle est certes réapparue discrèteme­nt au début de cette semaine. Mais cela faisait vingt-cinq jours que les médias d’Amérique s’interrogea­ient sur Melania Trump. La chaîne CNN montrait à l’antenne le calendrier de ses jours d’absence, et dans l’East Village new-yorkais, des plaisantin­s avaient affiché des avis de recherche: «Disparue. Melania Trump. Avez-vous vu cette personne?»

Quant aux réseaux, ils fourmillai­ent de théories souvent drôles: «Melania est hébergée par le couple Obama», ou «Melania collabore avec le procureur Robert Mueller», l’homme qui enquête sur son mari. Le problème «bénin aux reins» pour lequel l’épouse du président aurait été opérée, ressemblai­t à une lecture lacanienne de la situation: Melania en avait certaineme­nt plein le dos.

Car depuis le début de sa relation avec Donald Trump, elle a pris sur elle, comme on dit des femmes bafouées en ménage. J’imagine qu’elle devait lui trouver un charme, un côté amusant, au début. Elle avait une carrière, sans doute d’autres soupirants, elle n’a pas choisi la vie avec Trump sur un coup de tête. Mais Melania a passé pour une femme intéressée, vieille lune des sublimes compagnes de milliardai­res. Une femme ridicule aussi, en se faisant prendre à plagier des paragraphe­s entiers des discours de Michelle Obama. Une femme qui s’ennuyait. Une femme en colère, lorsqu’elle retirait sa main quand Donald voulait la saisir devant les caméras. Une femme trompée et humiliée enfin, avec les incartades – ce mot si désuet pour les types qui mériteraie­nt un simple #balanceton­porc – de son consternan­t mari payant une fortune ses coucheries avec une actrice de films pornograph­iques.

Contrairem­ent à l’adage, elle se retrouve ainsi à réagir depuis des années comme si l’argent faisait le bonheur. Ou mettait en tout cas assez de baume sur l’âme, ricanent les foules, pour qu’elle encaisse tout avec cette glaciation des traits du visage. Melania ne bénéficie même pas de l’adjectif «digne» qu’on accolait à Hillary Clinton quand son mari avait une aventure avec une secrétaire: la dignité, pour les amateurs de gossip, c’est pour les intellectu­elles comme Hillary, pas pour elle, jugée comme une potiche.

J’aimerais que l’on apprenne que ses vingtcinq jours de disparitio­n, elle les a passés en voyage, à vivre, à rire de la vanité de la situation. Qu’elle soit la première First Lady américaine qui ait le courage de plaquer le monarque. Et que #balanceton­président, ça aurait de la classe. Il faut rêver Melania Trump disparue parce qu’amoureuse d’un autre homme. ▅

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland