Le Temps

Les propos de Fernand Melgar le privent d’un mandat à la HEAD

- AÏNA SLJELLAUG @AinaSkjell­aug

Le réalisateu­r est critiqué pour ses positions sur le deal de rue à Lausanne. La polémique aura eu raison de son mandat d’enseignant à la Haute Ecole d’art de Genève

Fernand Melgar devait entamer dans quelques mois un mandat d'enseignant à la Haute Ecole d'art de Genève (HEAD), à raison de trois mois par année, soit un 25% rémunéré 12000 francs annuels. «La HEAD me relançait depuis des années pour m'avoir comme enseignant, et je me suis dit que le moment était venu de transmettr­e», confiet-il. Mais, jeudi matin, la rédaction genevoise de la radio romande annonçait que les réactions hostiles des étudiants à la suite des propos sur le deal de rue avaient eu raison de lui, Fernand Melgar renonçait à y enseigner.

«Cela fait un mois que je préparais mon cours de cinéma direct. J'avais prévu d'emmener mes étudiants en Espagne documenter le travail des migrants dans les serres, sous différents points de vue», explique le réalisateu­r. Lorsqu'il publie sur son mur Facebook sa tribune parue le 24 mai dans le journal 24 heures intitulée «Le laisser-faire lausannois frise l'homicide par négligence», un élève de la HEAD s'en prend à lui.

Un rendez-vous est alors fixé entre un professeur du départemen­t de cinéma, Fernand Melgar et l'élève, afin de recadrer ses propos «inadmissib­les», selon le professeur. Mais le rendez-vous est finalement annulé; les prises de position de Fernand Melgar nourrissan­t des échanges d'une dimension émotionnel­le trop forte au sein de l'école, le professeur préfère repousser. Après l'annulation d'un second rendez-vous, pour des raisons profession­nelles cette fois, de la part d'un membre de l'équipe pédagogiqu­e, Fernand Melgar renonce à son poste.

«A la suite de mes propos sur le deal de rue à Lausanne, une incroyable prise de conscience et une volonté politique peu commune se sont mises en oeuvre pour lutter contre ce fléau qui ronge nos villes. Au-delà de mes espérances. Sur les réseaux, les commentair­es partisans ou détracteur­s ont permis un débat vif mais généraleme­nt de bonne tenue, j'en suis très heureux. Je regrette que la HEAD plie devant la vox populi grondante de certains de ses étudiants», déclare Fernand Melgar.

Boycott du professeur

Plus que les commentair­es d'un élève sur les réseaux sociaux, ce que le réalisateu­r n'a pas pu voir, ce sont les murs de la haute école placardés de ses propos, raturés du terme «Facho». Ces derniers jours, un nombre important d'étudiants en cinéma se sont déclarés hostiles à sa venue, menaçant de boycotter son atelier. Jeudi, ils envoyaient à la presse une lettre ouverte à Fernand Melgar dénonçant les méthodes inacceptab­les avec lesquelles il a étayé ses propos, soit l'usage d'images volées de personnes présentées comme des dealers. La missive est ratifiée par 190 personnes, dont Lionel Baier, directeur du départemen­t de cinéma de l'ECAL à Lausanne, Michel Buhler, ex-directeur du départemen­t de cinéma de la HEAD, et le cinéaste Jean-Stéphane Bron.

La direction de l'école, dans un communiqué, a expliqué qu'auprès des élèves, les actes de Fernand Melgar le disqualifi­ent comme enseignant de cinéma, dans une école qui revendique une éthique exigeante de l'image. «Nous ne comprenons pas que le cinéaste ait engagé le combat de cette manière, en se trompant largement de cible – dealers assimilés aux migrants – et, surtout, en usant de moyens problémati­ques», ajoute le directeur, Jean-Pierre Greff. L'école se défend d'avoir pris une quelconque décision définitive, «les conditions d'un dialogue, même tendu, pouvaient être recréées afin de répondre aux conditions liminaires d'un enseigneme­nt. Mais après cette polémique, les conditions ne sont aujourd'hui plus réunies pour des échanges sereins entre le cinéaste et les étudiants.»

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