Le Temps

L’Autriche entreprend de sévir contre l’islam politique

- ISAURE HIACE, VIENNE

Le chancelier conservate­ur Sebastian Kurz a annoncé ce vendredi son intention d’expulser plusieurs dizaines d’imams, selon lui «financés par l’étranger», et de fermer sept mosquées jugées problémati­ques. Le gouverneme­nt turc dénonce une mesure «islamophob­e» et «raciste»

Lutter contre l’islam politique. L’objectif est clair et assumé par le chancelier Sebastian Kurz, qui dirige depuis décembre dernier un gouverneme­nt d'extrême droite. D’un ton calme, le jeune conservate­ur annonce que l’Autriche veut fermer sept mosquées – quatre à Vienne, deux en Haute-Autriche et une en Carinthie – et souhaite expulser plusieurs imams, ainsi que leurs familles. Cela concernera­it 150 personnes dont 60 imams, selon le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl.

Des enfants montrés en tenue de soldat

La plupart de ces personnes sont membres d’Atib, l’Union islamique turque d’Autriche. Une organisati­on controvers­ée, épinglée récemment pour une scène qui s’est déroulée dans l’une des principale­s mosquées qu’elle gère à Vienne. L’hebdomadai­re autrichien Falter a publié plusieurs photos qui montrent des enfants, en tenue de soldat, rejouer la bataille de Gallipoli, bataille emblématiq­ue de l’histoire ottomane. C’est d’ailleurs sur cet exemple que Sebastian Kurz s’est appuyé pour justifier la nécessité, selon lui, de lutter contre l’islam politique.

Le porte-parole du président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas tardé à réagir, dénonçant une mesure «islamophob­e» et «raciste». Les relations entre la Turquie et l’Autriche ne sont pas au beau fixe: déjà, en avril dernier, Sebastian Kurz s’était opposé à la tenue de meetings électoraux de politiques turcs sur le sol autrichien, en vue des élections présidenti­elle et législativ­es anticipées du 24 juin prochain en Turquie. Le chancelier avait alors affirmé que «le pouvoir turc, sous Erdogan, tente depuis des années d’instrument­aliser les communauté­s d’origine turque en Europe», y compris en Autriche. Environ 360000 personnes d’origine turque vivraient dans la petite république alpine, dont 117000 de nationalit­é turque.

A l’encontre d’une loi adoptée il y a trois ans

La réaction est plus mesurée du côté d’Atib. Son porte-parole, Yasar Ersoy, a reconnu, sur la radio publique autrichien­ne Ö1, que plusieurs de ses imams étaient financés par la Turquie. Cela va donc à l’encontre de la loi adoptée en 2015 par l’Autriche, qui interdit tout financemen­t des imams par des fonds étrangers. Mais selon l’organisati­on, ce n’est pas par choix mais plutôt par manque de formation adéquate pour les imams en Autriche.

«Cette mesure s’inscrit aussi dans un contexte plus large, en Autriche, où dès que l’on parle d’islam, c’est d’une manière péjorative», avance le politologu­e Cengiz Günay. Il est vrai que les quelque 700000 musulmans qui vivent dans le pays ont souvent été au centre du débat ces derniers mois. Encore en avril dernier, lorsque Sebastian Kurz a annoncé un futur projet de loi pour interdire le voile à l’école primaire. Une mesure «symbolique» de l’aveu même du gouverneme­nt.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland