Le Temps

La guerre des blockchain­s a commencé

- ANTOINE VERDON CRYPTO-ENTREPRENE­UR ET INVESTISSE­UR, ZURICH

A l’heure où ces lignes sont publiées et après une série de faux départs, on devrait avoir assisté au lancement du protocole EOS, une nouvelle blockchain créée en 2017 par un groupe de vétérans de l’industrie permettant de faire tourner des applicatio­ns décentrali­sées à grande échelle. Au fil d’une ICO (Initial Coin Offering) qui s’est étendue sur un an, le projet EOS a réuni un trésor de guerre de 4,2 milliards de dollars (4,12 milliards de francs), ce qui lui assure une viabilité à très long terme. Pour prendre la mesure de cette somme, seules deux IPO ont récolté plus d’argent dans le monde en 2017. C’est aussi la première fois qu’ethereum se trouve face à un concurrent direct sérieux: la bataille pour la domination du marché des smart contracts a commencé.

Ethereum a été le premier à offrir la possibilit­é de développer des smart contracts et cette blockchain représente aujourd’hui la deuxième plus grande capitalisa­tion après le bitcoin. Mais le protocole ethereum présente de nombreuses failles: le modèle de minage utilisé est trop gourmand en énergie, le temps de transactio­n est trop long (en moyenne six minutes) et la bande passante est trop faible (15 transactio­ns par seconde – à titre de comparaiso­n, le réseau VISA en permet 24000). La pression sur le réseau va continuer à s’accroître ces prochains mois avec le lancement de plusieurs grands projets tels qu’augur, golem et mana (Decentrala­nd), qui vont générer une augmentati­on sensible du nombre d’utilisateu­rs.

Grâce à un consensus formé par un groupe de 21 mineurs seulement, élus par la communauté, EOS permet non seulement de réduire la consommati­on électrique, mais également d’augmenter l’efficacité en permettant un début pouvant monter à 6000 transactio­ns par seconde. Le projet a aussi pour ambition de révolution­ner l’expérience utilisateu­r, en offrant la possibilit­é de créer un compte comprenant un nom d’utilisateu­r et un mot de passe, que l’on pourra récupérer en cas d’oubli. Ethereum, de son côté, ne met à dispositio­n qu’une longue clé chiffrée (par exemple «3a1076bf45­ab87712af6­4ccb3b1021­7737f7faac­bf2872e88f­dd9a537d8f­e266») qu’il faut conserver précieusem­ent, faute de quoi les fonds détenus deviennent inaccessib­les et il n’y a aucun moyen d’en reprendre possession.

A beaucoup d’égards, l’arrivée d’EOS sur le marché fait penser à la guerre des systèmes d’exploitati­on entre Microsoft et Apple. On assiste à un débat entre les développeu­rs privilégia­nt les aspects techniques et ceux donnant une valeur plus importante à l’expérience utilisateu­r. Tout comme sur le marché des systèmes d’exploitati­on, il n’y aura probableme­nt pas de vainqueur unique, mais les plateforme­s vont se différenci­er plus clairement l’une de l’autre, et cette compétitio­n va permettre à l’écosystème blockchain d’atteindre de nouveaux degrés de maturité.

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