De l’électricité dans l’air
La météo des quinze derniers jours a été marquée par de nombreux orages associés à de fortes précipitations, sur quasiment toute la Suisse. Certains chiffres sont hors norme
Les conditions météorologiques récentes ont été surprenantes. Interview de Lionel Fontannaz, météorologue pour MétéoSuisse.
La météo des quinze derniers jours est-elle anormale? Le nombre de décharges électriques enregistrées à Genève sur le mois de mai 2018 est un record depuis le début des mesures en 1981: il est quatre à cinq fois plus élevé que la moyenne des années précédentes sur le même mois de mai. On a aussi enregistré des précipitations localement très fortes. Par exemple, le pluviomètre de la station météo de Payerne a relevé le 4 juin 42 millimètres (soit 42 l/m2) de précipitations en une heure seulement! Par contre, il y a eu relativement peu de vent ou d’averses de grêle: on est plus proche d’un temps tropical, chaud et humide. Si les bilans climatologiques sont normalement établis sur des mois civils ou des saisons, on peut tout de même dire que les cumuls de pluie des quinze derniers jours dépassent la pluviométrie mensuelle moyenne sur nombre de localités au nord des Alpes.
Comment expliquer cette instabilité? On l’explique simplement par l’ensoleillement, qui permet une hausse des températures près du sol. Ce réchauffement crée des bulles d’air chaud, qui entraînent la vapeur d’eau en altitude. Les cumulus se transforment alors en cumulonimbus. Les orages sont communs au mois de juin. Ce qui rend la situation actuelle extraordinaire, c’est le régime météorologique en place à l’échelle de l’Europe. Un anticyclone bloqué sur la Scandinavie a favorisé le déplacement des dépressions atlantiques vers la péninsule Ibérique, où ces dépressions sont restées quasi stationnaires. Cela a provoqué des poussées récurrentes d’air humide et instable entre les Pyrénées et les Alpes, jusqu’en Suisse.
Y a-t-il une tendance générale, pour la suite du mois de juin ou à l’échelle des années à venir? Il faut bien garder en tête que le climat tempéré de nos latitudes est caractérisé par une forte variabilité: les mois et les années se suivent et ne se ressemblent pas. Cela dit, on mesure une hausse des températures sur les dernières décennies. Or plus les températures sont élevées, plus les masses d’air peuvent être chargées en vapeur d’eau, laquelle est le carburant nécessaire à l’instabilité orageuse. Par ailleurs, il existe également des pistes pour expliquer le régime stationnaire inhabituel des dépressions, qui pourrait être lié au réchauffement relativement plus marqué au niveau des pôles… Mais pour ces deux explications, on n’est pour l’instant qu’au stade de l’hypothèse! Pour revenir à 2018, on observera un temps chaud et humide jusqu’à dimanche, avec peut-être des pics de température avoisinant les 30 °C. Puis le début de la semaine prochaine sera marqué par la fin de la situation orageuse, mais toujours avec des averses et une baisse attendue des températures.
▅