Le Temps

Qui a peur du grand méchant T-rex?

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Dans son cinéma, Steven Spielberg cultive un goût de l’émerveille­ment. Emerveille­ment face au pouvoir de la presse dans

Pentagon Papers, face au champs des possibles offert par la réalité virtuelle dans

Ready Player One, si l’on s’en tient à ses deux dernières réalisatio­ns. Dans la plupart de ses films, à un moment où à un autre, un personnage est filmé en gros plan, les yeux écarquillé­s. Le motif du regard est chez lui central – avec parfois, aussi, des visions d’horreur.

La plus belle scène d’émerveille­ment de l’oeuvre spielbergu­ienne, on la trouve dans

Jurassic Park, lorsqu’en 1993 il filmait deux paléontolo­gues, interprété­s par Laura Dern et Sam Neill, subjugués par la vision d’un brontosaur­e bien vivant. C’est d’abord les regards des personnage­s que l’on découvrait, puis, dans un second temps, l’objet de leur stupeur. Leur émerveille­ment était également celui des spectateur­s: au-delà des dinosaures en tant que tels, on était alors surtout fascinés par l’avancée spectacula­ire des effets spéciaux, qui n’avaient jamais atteint un tel degré de réalisme. Cette séquence est reproduite dans

Jurassic World: Fallen Kingdom, lorsque le réalisateu­r espagnol J. A. Bayona montre une jeune médecin descendant, elle aussi, d’une voiture, stupéfaite, pour voir passer un grand herbivore. Pour le reste, ce cinquième épisode de la saga crétacée, comme

Jurassic World il y a trois ans, commet l’erreur de vouloir créer un dinosaure plus féroce et intelligen­t. Après l’Indominus-rex, place ainsi à l’Indoraptor. Une surenchère qui veut dénoncer les dérives de la manipulati­on génétique, mais s’impose aussi en métaphore de l’industrie du blockbuste­r, qui promet toujours plus. Et, souvent, déçoit.

A Paris, le Muséum national d’histoire naturelle expose actuelleme­nt un squelette de T-rex magnifique­ment conservé, tandis que sur France 5, on a pu voir cette semaine un documentai­re sur le plus redoutable des dinosaures. On y apprend notamment que le tyrannosau­re n’était pas une bête solitaire, mais vivait en meute; et qu’il avait probableme­nt une sorte de léger pelage, comme des plumes atrophiées. Glam, le T-rex.

Le «roi des lézards tyrans» est indéniable­ment l’une des plus fascinante­s créatures de l’histoire. Il y a vingt-cinq ans, chez Spielberg, il terrorisai­t. Dans Jurassic

World: Fallen Kingdom, il n’est plus que figurant. Malgré les indéniable­s qualités esthétique­s – plus que narratives – du film de Bayona, voir le grand méchant T-rex ainsi traité laisse songeur.

Après le temps de l’émerveille­ment vient toujours celui de la désillusio­n.

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