Le Valais ferme sa voie olympique
Les Valaisans, par très exactement 53,98% des voix, ont refusé le crédit de 100 millions de francs qui devait financer les infrastructures et la sécurité dans leur canton. Ce non aux Jeux olympiques d’hiver 2026 révèle de profondes fractures au sein de la
Le visage fermé. Les masques des conseillers d’Etat Frédéric Favre et Christophe Darbellay, du président de Sion Philippe Varone et du président du comité de candidature Jürg Stahl en disaient long au moment de se présenter devant la presse ce dimanche. Quelque 54% des Valaisans ont refusé l’octroi d’un crédit de 100 millions de francs au projet Sion 2026.
Pour la deuxième fois de son histoire, après 1963, le Valais a donc dit non aux Jeux olympiques. Dans l’intervalle, le canton s’était porté candidat pour obtenir les JO de 1976, 2002 et 2006. Avec une ferveur particulière pour cette dernière candidature, les Valaisans la plébiscitant en 1997 par 67% des voix.
«Le Valais s’helvétise»
Pour beaucoup, si une région de Suisse pouvait encore croire aux Jeux, c’était bien le Valais. Ce n’est plus le cas. Marie-Thérèse Sangra, secrétaire régionale du WWF Valais et farouche opposante au projet, s’en réjouit: «Je suis satisfaite de voir que le peuple valaisan s’affranchit du mot d’ordre des autorités. Le Valais devient de moins en moins valaisan, il s’helvétise.»
Les opposants peuvent crier victoire. Minoritaires, ils ont fait pencher la balance de leur côté. Pour le député Vert Thierry Largey, «ce non des citoyens oblige les autorités à se remettre en question». A l’opposé sur l’échiquier politique, Cyrille Fauchère, le coprésident de l’UDC du Valais romand, adopte le même discours. «C’est une victoire des Valaisans contre les élites politiques et économiques. Les personnes qui ont été élues doivent retourner aux projets pour lesquels elles ont été plébiscitées par le peuple. Les Jeux olympiques n’en faisaient pas partie», argumente-t-il en trinquant à la victoire avec les membres de son parti. Les élites économiques, elles aussi, tourneront la page des JO. A l’origine du projet, le président du FC Sion Chris- tian Constantin l’a peut-être déjà fait. Il est en tout cas resté très discret ce dimanche, ne répondant pas à nos sollicitations.
Désaveu des autorités
Si les opposants ont le sourire aux lèvres, la défaite est lourde pour les autorités. Le Conseil d’Etat militait en faveur de la candidature de Sion aux JO de 2026. Le parlement l’avait suivi, à près de 80%. Ils n’ont pas été entendus. Omniprésent durant la campagne, le conseiller d’Etat chargé des sports, Frédéric Favre, essuie son premier échec politique. Il refuse pourtant d’analyser le résultat de ce vote sous cet angle. «Les combats perdus sont ceux qui n’ont pas été menés. Je suis content d’avoir mené celui-ci. Vingt ans après la dernière candidature de Sion aux Jeux olympiques, la question méritait d’être posée à nouveau.» Le peuple n’a pas suivi ses élites, mais Frédéric Favre n’y voit pas pour autant de cassure entre deux mondes. «La question des JO est spéciale, très émotionnelle. Les divisions se retrouvent partout, même au sein des familles ou des partis politiques.»
Christophe Darbellay, son collègue au gouvernement, partage l’analyse. Il estime que le debriefing prendra quelques jours et qu’ensuite il faudra tourner la page. «Le Valais ne s’arrête pas, il va poursuivre son développement avec le même dynamisme. Sans les Jeux olympiques nous irons moins vite, mais nous irons plus loin.» Pour y arriver, le ministre de l’Economie et de la Formation évoque l’organisation de Championnats du monde de ski ou de cyclisme. Il sait toutefois que le Conseil d’Etat aura «beaucoup de pain sur la planche» et qu’un travail de sensibilisation est nécessaire pour faire comprendre aux Valaisans que les sports d’hiver sont toujours primordiaux pour l’économie du canton, eux qui lui rapportent 2 milliards de francs par année. Afin d’y parvenir, «il faudra retrouver une cohésion», admet Christophe Darbellay. Un canton divisé
C’est peut-être là le principal défi du Conseil d’Etat, car le résultat de cette votation sur les Jeux olympiques démontre que le Valais est divisé, avec d’un côté la montagne, qui vit majoritairement du tourisme, et de l’autre la plaine. Le Valais urbain est pratiquement unanime pour rejeter le projet. Les vallées latérales, elles, l’ont majoritairement soutenu. Pour Vincent Riesen, coprésident du comité de campagne Sion 2026, «les habitants des montagnes ont été plus sensibles à ce que les JO pouvaient leur apporter». Le sociologue Gabriel Bender, qui pose depuis de nombreuses années un regard sans complaisance sur le Valais, a une analyse totalement différente. Selon lui, cette votation démontre que le canton a évolué et qu’aujourd’hui «le vrai Valais est le Valais des plaines. Depuis vingt ans, il se développe dans la plaine du Rhône, autour des villes. Et ce Valais ne veut pas des Jeux olympiques».
Le canton semble donc coupé en deux. Une situation que personne ne souhaite, ni chez les partisans, ni chez les opposants aux JO. Thierry Largey craint que cette division puisse raviver des envies de vengeance. «Le rôle du Conseil d’Etat sera central pour que cela ne se produise pas. Il faut rassembler la population», clame-t-il. Et il semble avoir été entendu. Au moment de mettre un point final à la candidature de Sion aux Jeux olympiques, Frédéric Favre appelle les Valaisans «à se tendre la main et à discuter plus sereinement».
«Les combats perdus sont ceux qui n’ont pas été menés» FRÉDÉRIC FAVRE, CONSEILLER D’ÉTAT