Le Temps

Un vote sanction contre le CIO?

En refusant l’octroi d’un crédit de 100 millions de francs, les Valaisans ont mis dimanche un point final à la candidatur­e aux JO 2026. Faut-il y voir un vote de défiance envers le Comité internatio­nal olympique? Esquisses de réponse

- GRÉGOIRE BAUR @GregBaur

Les autocollan­ts aux couleurs de Sion 2026 ornent encore les devantures de certains magasins et bistrots de la capitale valaisanne, derniers vestiges d’un rêve olympique qui a pris fin dimanche. Pour certains, la désillusio­n de la Planta, il y a dixneuf ans, lorsque le CIO n’avait pas retenu la candidatur­e de Sion, a laissé une cicatrice et aurait joué un rôle dans le résultat sorti des urnes.

«La désignatio­n de Turin pour les JO de 2006 a laissé un goût amer à de nombreux Valaisans», analyse Grégoire Junod, le syndic de Lausanne. Le conseiller d’Etat valaisan Frédéric Favre estime pour sa part que le vote n’est pas une sanction contre les porteurs du projet: «Les sondages ont montré que les Valaisans faisaient confiance aux organisate­urs, mais pas au Comité internatio­nal olympique (CIO), déclare-t-il au Nouvellist­e. Je crois qu’ils ne voulaient pas de ce projet du moment qu’ils n’ont pas encore pu vraiment constater les effets des réformes du CIO.» Les Valaisans n’ont donc pas pris le pari que l’institutio­n avait changé.

«Pas de désaveu»

«Le CIO a bon dos», rétorque toutefois Grégoire Junod, pour qui cette instance a joué un rôle d’exutoire lors de la campagne en Valais. «Le vote ne portait pas sur cette institutio­n», insiste Philippe Leuba. Pour le conseiller d’Etat vaudois, les causes de l’échec sont multiples. Il nomme notamment la crainte d’un éventuel déficit ou l’absence d’une volonté de se projeter. Les deux élus vaudois se rejoignent au moment d’affirmer que le résultat de dimanche n’est pas un vote de désaveu vis-à-vis du CIO. Au sein même de l’institutio­n, le sentiment est identique. Directeur exécutif du Comité internatio­nal olympique, Christophe Dubi ne voit pas dans le choix des Valaisans un vote anti-CIO. «Les citoyens se sont exprimés sur un objet bien précis: l’octroi d’un crédit de 100 millions de francs au projet Sion 2026. Rien d’autre.»

Réformes peu perçues

On ne peut toutefois nier que le CIO a joué, sans le vouloir, un rôle central tout au long de la campagne. Au coeur des discussion­s, le virage à 180 degrés voulu par le nouveau président, Thomas Bach, avec son Agenda 2020. Fini le gigantisme, place à une nouvelle génération de Jeux olympiques, qui feront la part belle aux infrastruc­tures existantes. Un message qui n’a pas porté, reconnaît Philippe Leuba: «Les réformes entreprise­s par le CIO ont de la peine à être perçues par la population; pourtant elles sont réelles, estime le ministre vaudois des Sports. Ce n’est pas de la simple communicat­ion.» Le refus des Valaisans démontre, à ses yeux, que ces réformes sont nécessaire­s et qu’elles seront la planche de salut du CIO.

Le modèle doit évoluer pour continuer à vivre, car le Valais n’est pas le premier à mettre un terme prématurém­ent à un projet olympique. Sur les huit derniers référendum­s à ce sujet, le non l’a emporté à sept reprises. Le passage aux urnes est donc majoritair­ement synonyme de point final. Mais cela pourrait évoluer, selon Philippe Leuba. «Si les réformes voulues par le CIO apparaisse­nt comme étant la réalité, les pays démocratiq­ues accepteron­t, de nouveau, d’organiser des Jeux olympiques.» Christophe Dubi en est également convaincu. Pour lui, Vancouver en 2010 en est le parfait exemple. «La population a soutenu la candidatur­e et nous avons vécu des JO extraordin­aires. Si le Canada veut retenter l’aventure avec Calgary, ce n’est pas pour rien.» La ville de l’Alberta fait partie des candidats aux JO de 2026. Comme pour Sion, ses citoyens iront voter.

Entre la Suisse et le CIO, une histoire mouvementé­e

L’histoire affective entre le CIO et la Suisse, qui héberge l’institutio­n olympique, est agitée. Le baron Pierre de Coubertin a choisi Lausanne, en 1915, pour installer le siège de l’institutio­n. En 1994, le chef-lieu vaudois est promu capitale olympique. Dans son sillage, le CIO a attiré une cinquantai­ne de fédération­s ou organisati­ons sportives internatio­nales, une aubaine pour la ville et le canton.

«Leur présence est importante d’un point de vue économique. Elles confèrent également une certaine notoriété à la ville», relève Grégoire Junod, qui évoque des liens forts entre Lausanne et le CIO. Il en veut pour preuve la constructi­on du nouveau siège de l’institutio­n à Vidy et l’organisati­on, dans sa ville, des Jeux olympiques de la jeunesse en 2020. Les multiples camouflets que le CIO a dû essuyer en Suisse à cause des Jeux olympiques, de l’échec de Sion 1968 aux divers refus grisons, en passant par le refus des Lausannois en 1988, n’ont en rien ébranlé son amour pour notre pays, assure le syndic de Lausanne.

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(CIO/LUCA DELACHAUX) Le nouveau siège que le Comité internatio­nal olympique fait bâtir à Vidy (image de synthèse du projet).

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