Le Temps

Prêts à retirer leur initiative

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Dans une lettre aux membres du Conseil national, le comité d’initiative pour des entreprise­s responsabl­es s’engage à retirer son texte si les députés approuvent le contre-projet envisagé par la Commission des affaires juridiques. L’initiative exige que les multinatio­nales ayant leur siège en Suisse mettent un terme aux violations des droits humains et aux atteintes à l’environnem­ent commises à l’étranger.

Dans le but de remporter une première bataille le 14 juin prochain, les initiants promettent de retirer leur texte si le Conseil national approuve le contre-projet de sa commission

Le comité de l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es se déclare ouvert au compromis. Dans une lettre adressée aux 200 membres du Conseil national, il s’engage à retirer son texte si la Chambre basse approuve le contre-projet envisagé par sa Commission des affaires juridiques (CAJ). Celle-ci a intégré l’initiative dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme. «Malgré des concession­s importante­s, une telle législatio­n permettrai­t d’améliorer la situation des personnes victimes de violations», écrit-il.

CONSEILLER NATIONAL (PDC/OW) «C’est désormais un compromis raisonnabl­e»

A prendre ou à laisser

Dans leur lettre, les deux coprésiden­ts du comité d’initiative, l’ancien sénateur tessinois Dick Marty et Monika Roth, préviennen­t cependant: «Nous tendons la main une dernière fois, car la portée du contre-projet a déjà été restreinte plusieurs fois.» Le message au monde politique est clair: c’est à prendre ou à laisser.

Portée par plus de 80 ONG, l’initiative réclame des multinatio­nales ayant leur siège en Suisse qu’elles mettent un terme aux violations des droits humains et aux atteintes à l’environnem­ent commises à l’étranger. La Suisse est le 9e pays le plus fréquemmen­t concerné par les dénonciati­ons de violations des droits de l’homme. Et comme un rapport du Seco estime que seuls 5% des entreprise­s respectent les principes directeurs de l’ONU à ce sujet, la gauche n’est plus seule à estimer qu’il est urgent d’agir.

Sous l’impulsion de deux personnali­tés de droite et du centre – le professeur zurichois Hans-Ueli Vogt (UDC/ZH) et Karl Vogler (PDC/OW) –, la CAJ du Conseil national a planché sur un contre-projet, une démarche soutenue par sa commission soeur du Conseil des Etats. Au terme de cinq séances parfois très longues et laborieuse­s, elle a fini par accoucher d’un texte forcément édulcoré.

Le contre-projet a restreint le champ d’applicatio­n de l’initiative. Le devoir de diligence des multinatio­nales ne touche plus désormais que les entreprise­s de plus de 500 employés et au chiffre d’affaires de plus de 80 millions de francs. En outre, la responsabi­lité des entreprise­s relative aux sociétés qui leur sont uniquement économique­ment dépendante­s a été exclue. Concernant enfin les violations des droits humains, le contre-projet les circonscri­t aux atteintes à la vie, à l’intégrité corporelle et à la propriété.

«Nous avons travaillé dans un état d’esprit très constructi­f dans tous les partis», relève avec satisfacti­on Lisa Mazzone, membre de la CAJ. «Mais le texte du contre-projet n’a cessé d’être affaibli. Il s’agit du minimum qui est acceptable à nos yeux», ajoute-t-elle. «C’est désormais un compromis raisonnabl­e», estime pour sa part Karl Vogler. Il est soutenu par l’associatio­n faîtière romande qu’est le Groupement des entreprise­s multinatio­nales (GEM). «Aujourd’hui, toutes les entreprise­s multinatio­nales publient des rapports sur le respect des normes sociales et environnem­entales. Il est normal de soutenir un contre-projet qui va dans ce sens», note le secrétaire de cette associatio­n, Arnaud Bürgin.

L’opposition de l’UDC

A droite pourtant, l’opposition s’annonce rude. A l’UDC, Hans-Ueli Vogt est bien le seul à soutenir un contre-projet pour lequel il s’est pourtant battu comme un lion. Claudio Zanetti (UDC/ZH) estime que le contre-projet, tout comme l’initiative, va dans la mauvaise direction: «Ce n’est pas à la Suisse de dire à d’autres pays quels sont les standards qu’ils doivent appliquer en matière de droit du travail et d’environnem­ent. C’est une forme de colonialis­me», tranche-t-il.

Au sein du PLR, les avis sont partagés, mais une assez nette majorité se dessine contre le contre-projet, pour diverses raisons. Olivier Feller (PLR/VD), à l’instar de la faîtière Economiesu­isse, tient à séparer le traitement de l’initiative du droit de la société anonyme. Quant à Philippe Bauer (PLR/NE), il ne cache pas son scepticism­e sur le fond: «Le fait d’introduire une responsabi­lité sur des activités économique­s à l’étranger pose des problèmes d’insécurité juridique pour lesquels nous n’avons pas de réponse.» En revanche, Hugues Hiltpold (PLR/GE) entre en matière: «Le risque d’acceptatio­n de l’initiative est relativeme­nt grand, parce que la population est sensible au fait que certaines multinatio­nales ne sont pas irréprocha­bles. A cet égard, le contre-projet est pragmatiqu­e.»

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KARL VOGLER

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