«Lynchage collectif» à Versoix
Une bagarre générale a éclaté dimanche matin lors du match pour le titre de champion entre Versoix et Kosova. Une rencontre de quatrième ligue, le niveau le plus bas. Deux joueurs ont été hospitalisés. Consternation sur les réseaux
Une meute de joueurs et de supporters se forme au milieu du terrain. Sur les images, un poing s’écrase contre le visage d’un homme. Un autre reçoit un violent coup de pied dans la tête avant de s’écrouler. Cette bagarre générale a éclaté dimanche matin lors de la finale du championnat genevois de 4e division, qui opposait Versoix à Kosova. Dans la mêlée, deux joueurs de Versoix sont roués de coups. L’un perd connaissance sur la pelouse, l’autre a cinq côtes cassées et le poumon perforé. Il était toujours à l’hôpital ce lundi.
Une insulte raciste serait à l’origine de ce déferlement de violence. La principale victime aurait été traitée de «sale nègre» quelques minutes avant le coup de sifflet final, selon les informations de 20 Minutes. La scène est confuse, mais le joueur d’origine africaine aurait répondu par un coup de tête ou du moins en mimant le geste. L’arbitre n’a pas eu le temps de renvoyer tout le monde au vestiaire. A cet instant, de nombreux assaillants ont frappé le joueur de Versoix en le maintenant au sol. Un «lynchage collectif», assure Simon Pidancet. «Ce qui me fait peur, c’est que le médecin a dit qu’à quelques secondes près, il aurait pu mourir sur place. Et c’était son anniversaire. Il va être papa dans deux mois», raconte le président du club versoisien au quotidien gratuit. La police est intervenue en fin de match.
Filmée, la scène a circulé dans les conversations Whatsapp des clubs du coin. Puis les images ont rapidement atterri sur les réseaux sociaux. Les internautes se disent profondément choqués par cette rixe. «Je vois ce qui se passe tous les week-ends sur le terrain, et je ne pouvais pas rester insensible face aux images de la bagarre. Je n’ai jamais vu une telle haine lors d’un match, c’est lamentable», confie Jérémie Henriod, membre d’un club genevois et journaliste à la RTS. Lui a choisi de diffuser la vidéo sur son compte Twitter pour interpeller les médias. Il espère que les responsables seront sévèrement sanctionnés. Il est d’ailleurs rejoint par son collègue du service public Patrick Andrey: «Que les sanctions soient aussi lourdes que les coups donnés. Le joueur le plus gravement touché semble aller mieux (heureusement), mais il est toujours hospitalisé.»
Le site consacré au football local, Proxifoot, a décidé de ne pas publier les images. «Bien entendu, ne comptez pas sur nous pour diffuser les images d’une extrême violence qui circulent sur WhatsApp. D’autres médias plus importants (et moins scrupuleux) le feront dès demain pour gagner quelques clics», a tweeté dimanche soir le média. Pourquoi ce choix? Maikel Folgar, l’un des administrateurs du site, souhaite préserver l’anonymat des personnes blessées. Par respect. Cet amoureux du ballon rond craint désormais que le débat ne dérape. Les agresseurs sont issus de l’entourage du club Kosova. «Il ne faut pas stigmatiser une catégorie de personnes. C’est un problème lié au football amateur en général, et non pas aux clubs communautaires.» Des sites d’extrême droite s’engouffrent déjà dans la brèche en dénonçant une «violence culturelle importée». Des accusations balayées par Simon Pidancet: «C’est la bêtise de l’individu qui doit ressortir. La stigmatisation est tout aussi stupide.»
Le président du FC Kosova, Selajdin Salihu, confie n’avoir jamais vécu une «situation aussi difficile». Les deux équipes ont diffusé lundi un communiqué commun dans lequel elles «condamnent fermement ces débordements». L’Association cantonale genevoise de football (ACGF) devrait annoncer de lourdes sanctions d’ici à une dizaine de jours. Les agresseurs risquent une suspension de plusieurs années. Quant aux clubs, ils pourraient écoper d’une amende, d’un retrait de point, voire subir une exclusion du championnat.
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