Le Temps

Regard de légiste sur le calvaire de Semhar

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Le professeur Tony Fracasso a témoigné au procès de Genève. Selon le responsabl­e de l’Unité romande de médecine forensique, la fillette a été abusée quelques minutes avant de rendre son dernier souffle

Le professeur Tony Fracasso lors de son témoignage. En haut à gauche, la présidente Isabelle Cuendet.

Comment est morte la toute jeune Semhar? Le procès du chauffeur de taxi éthiopien, accusé d’avoir violé et assassiné la fille de sa compagne, a repris ce lundi à Genève avec cette terrible question. Selon le professeur Tony Fracasso, responsabl­e de l’Unité romande de médecine forensique, le décès est dû à une strangulat­ion manuelle. Difficile d’être précis sur l’heure du crime mais une chose semble établie: la victime a eu l’hymen déchiré quelques minutes avant de rendre son dernier souffle.

Les parents de Semhar n’ont pas assisté à l’évocation du calvaire subi par leur fille de 12 ans. Le médecin légiste a souligné que la lésion interne est évocatrice d’une défloratio­n fraîche intervenue du vivant de la victime. Cette déchirure, «dont le mécanisme évoque fortement une pénétratio­n», a entraîné un écoulement de sang qui a été plus abondant post mortem. Ce sang a uniquement été retrouvé dans la chambre parentale, là où le corps de Semhar a été dissimulé sous le lit. A défaut d’autres traces, il est impossible de dire dans quelle pièce l’enfant a été agressée, ni de quelle manière elle a été abusée.

Se sentir mourir

Le procureur Joël Schwarzent­rub, soucieux de savoir combien de temps dure un étrangleme­nt, n’a pas obtenu de réponse simple. «C’est un mécanisme dynamique car la victime se sent mourir et se défend», a précisé Tony Fracasso. La durée de l’agonie dépend surtout de l’homogénéit­é de la compressio­n des vaisseaux du cou. Si celle-ci est uniforme, comme dans le cas d’une pendaison, la victime peut perdre connaissan­ce au bout d’une quinzaine de secondes. Si l’auteur relâche un moment sa prise, il faut plusieurs minutes avant le décès.

Aux yeux du spécialist­e, une chose semble certaine: Semhar était déjà décédée lorsque la latte du lit a été posée sur son corps. Les marques ainsi laissées sur sa nuque et son épaule sont post mortem. Le contenu gastrique, pourtant prélevé au moment de l’autopsie, n’a pas été analysé. Parce que le Ministère public ne l’avait pas demandé et parce que cette méthode n’est pas jugée fiable pour déterminer l’heure du décès. Me Yaël Hayat, à la défense du prévenu, a requis ce complément d’enquête à l’issue de l’audition du professeur Fracasso, ne serait-ce que pour savoir si l’enfant avait mangé quelque chose en rentrant ce 23 août 2012. Une requête rejetée.

Double coup de massue

Ultime témoin de ce procès, le frère du prévenu explique à quel point ce drame a choqué toute la famille. «C’est comme si j’avais reçu deux coups de massue sur la tête. Le premier en apprenant la disparitio­n de Semhar et le second en apprenant que mon frère a été arrêté.» Depuis que Kaleb* est en prison, il lui rend visite chaque dimanche. «Il m’a juré sur la tête de sa fille préférée qu’il n’avait pas fait ça et qu’il est innocent.»

Ce frère décrit quelqu’un de calme et de jovial. Un portrait très éloigné du tortionnai­re dépeint par trois anciennes compagnes. «On a grandi ensemble, on a quitté le pays ensemble, on a vécu dans le même foyer en Suisse et on est restés très proches. Quand je dormais dans son appartemen­t de Vernier, je n’ai jamais constaté de violences envers son amie. Je n’arrive pas à trouver une réponse à toutes ces accusation­s.» Lors des visites à Champ-Dollon, il lui a dit de tenir le coup et de résister jusqu’au procès. «Moi aussi, j’ai hâte de connaître la vérité», ajoute ce frère avec une sorte de déférence absolue envers la justice.

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(CECILIA BOZZOLI POUR LE TEMPS)

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