Politique étrangère: une occasion manquée
Le débat auquel a donné lieu le rapport de politique extérieure 2017 le 5 juin dernier s’est déroulé selon un modèle éprouvé: les intervenants apportent en général leur soutien à la politique suivie en la matière par le Conseil fédéral. Ils mettent en valeur tel ou tel point particulier qui leur tient particulièrement à coeur. La politique européenne et la politique du développement ont ainsi reçu le plus de mentions. Pour ce qui est de la méthode, plusieurs orateurs ont déploré que le rapport fût aussi bref. Rassembler en 50 pages le déroulement d‘une année de politique étrangère et de politique de coopération au développement, comprenant également l’activité au Conseil de l’Europe, est une gageure. Davantage d’explications et de détails permettraient de mieux comprendre ce que fait le Département des affaires étrangères.
A ceux qui regrettent la concision de ce texte, le nouveau chef du Département des affaires étrangères a répondu qu’à ses yeux un rapport administratif qui dépasse 50 pages n’est pas lu. Il a donc donné la consigne à son département de s’en tenir désormais à cette règle. Pour le surplus, il renvoie à des rapports spécialisés sur les sujets soulevés par les députés et au rapport de politique économique extérieure, où les mêmes restrictions ne s’appliquent pas…
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a encore situé le rapport dans le cadre de la stratégie de politique étrangère 2016-2020 du Conseil fédéral dont il a rappelé les axes principaux.
Il faut bien admettre que ce débat n’a rien apporté de nouveau. Les conseillers nationaux se sont bornés à relever tel ou tel aspect des politiques existantes pour en souligner l’importance à leurs yeux, mais sans chercher à innover, à l’exception peut-être des porte-parole des Verts. Les parlementaires se limitent le plus souvent à des constatations d’ordre général, sans approfondir leur analyse de la situation mondiale ou de la politique européenne. Les ténors de la politique étrangère, les fameux experts de politique extérieure que tout parlement est censé comporter, les Aussenpolitiker, sont restés silencieux.
Il est vrai qu’on aurait pu attendre un exposé plus circonstancié de la part du représentant du Conseil fédéral, comme certains de ses prédécesseurs en avaient le secret. Ce qui frappe est l’absence de discussion sur les conséquences pour la position de la Suisse des grandes tensions que traversent les relations internationales – le réalignement des forces à l’oeuvre en Asie, la crise transatlantique, les assauts contre les démocraties libérales auxquels se livrent la Russie et la plupart des pays d’Europe orientale et centrale, de la réaction populiste en Europe occidentale et aux Etats- Unis… Aux silences du ministre sur ces thèmes correspond l’absence de curiosité des parlementaires, en dehors de quelques allusions par-ci par-là. Sans doute les uns et les autres sont-ils d’avis de renvoyer ces questions brûlantes aux délibérations de la Commission des affaires étrangères, à l’abri de la population.
Pourtant le rapport lui-même s’y prêtait: le mantra de la médiation, auquel plusieurs conseillers se sont référés, aurait mérité une discussion de fond: quelle en est la définition? quel en est le bilan? le fait d’héberger et d’escorter des délégations chypriotes ou yéménites, convoquées par l’ONU, à la table de négociation sans que la Suisse ne participe aux discussions ou n’émette la moindre proposition mérite-t-il la qualification de médiation?
En matière de politique européenne, le rapport ouvre d’intéressantes perspectives: un accord institutionnel, dit-il, aura un prix – sommes-nous disposés à le payer? Dans la phase actuelle des négociations, on aurait pu espérer entendre l’esquisse d’une réponse informée et ouverte, par exemple sur les mesures d’accompagnement ou les aides d’Etat qui exigeront une plus grande souplesse dans la présentation de la position suisse. Que nenni! Ce fut donc un débat décevant.
■