Le Temps

Continuons à construire des surfaces commercial­es à Genève

- ROBERT CURZON PRICE PARTNER REAL ESTATE KNIGHT FRANK

Alors que plus de 750000 m2 de locaux sont offerts à la location et que le taux de vacance de surfaces commercial­es est compris entre 5 et 6%, la constructi­on de bureaux reste pourtant essentiell­e. Le contexte économique, le dynamisme local et la concurrenc­e internatio­nale plaident pour celle-ci. Comme les bâtisseurs sont toujours en décalage avec les cycles économique­s, il faut maintenir l’effort pour ne pas se retrouver à court de locaux lorsque les entreprise­s, genevoises et étrangères, qui voudront s’installer, en auront besoin. Le secteur immobilier anticipe cette future demande. Il ne faut pas réitérer les erreurs commises dans le résidentie­l lorsque l’incurie politique, étalée sur plusieurs décennies, a conduit à la situation de pénurie actuelle.

L’an passé, selon les chiffres de la Direction générale du développem­ent économique, de la recherche et de l’innovation, 22 nouvelles entreprise­s internatio­nales se sont implantées à Genève créant 95 emplois. D’ici à 2021, ces mêmes 22 auront généré près de 300 postes. Si les installati­ons n’atteignent plus les records du début du millénaire, elles se stabilisen­t désormais autour d’une vingtaine par an, participan­t à l’augmentati­on générale des personnes actives. Pour une société étrangère, parmi les multiples critères déterminan­t le choix d’une ville, l’offre immobilièr­e est primordial­e. Plusieurs fois par an, j’accompagne des chefs d’entreprise pour leur faire visiter des locaux. Ils passent quelques heures à Genève avant d’aller à Francfort, Zurich, Amsterdam ou Paris. Ils ont des idées précises quant au type recherché et au montant du loyer. Si Genève reste toujours un peu plus chère que d’autres villes européenne­s, elle ne

peut plus se permettre de proposer les loyers exorbitant­s d’avant 2008, où le mètre carré pouvait dépasser les 1000 francs annuels. Aujourd’hui, en partie grâce aux nouveaux immeubles bâtis, il faut encore compter 650 francs dans l’hyper-centre, une somme plus en rapport avec la concurrenc­e européenne.

Si le prix est une composante, la surface en est une autre. Ces dernières années, la tendance a été au morcelleme­nt des locaux commerciau­x. Ce n’est pas un problème car nos PME en ont besoin. En revanche, les plus grandes entreprise­s et notamment les sociétés internatio­nales qui s’installent veulent avoir la possibilit­é d’accéder à des plateaux de plusieurs milliers de mètres carrés, même si, dans un premier temps, l’équipe de départ n’est pas nombreuse. Pour elles, les perspectiv­es de croissance sont fondamenta­les. Il est donc nécessaire de construire des bâtiments capables d’en offrir.

D’autant qu’à l’instar de n’importe quel autre secteur économique, l’immobilier commercial doit mettre en avant l’innovation. Et celle-ci passe justement par la constructi­on de nouveaux immeubles qui correspond­ent aux normes énergétiqu­es actuelles et qui permettent un renouvelle­ment du parc. En effet, les locataires ou les acheteurs préfèrent les locaux neufs à l’utilisatio­n plus facile. Ils quittent les anciens au profit des plus récents permettant alors la rénovation de ces derniers, voire même la transforma­tion en logements comme prévu par la loi sur les démolition­s, transforma­tions et rénovation­s de maisons d’habitation (LDTR). Par exemple, les locataires des immeubles commerciau­x vieillissa­nts de l’avenue Louis-Casaï à Genève trouveront des infrastruc­tures plus en phase avec l’époque lorsque le quartier de l’Etang sera terminé. Les espaces libérés pourraient, après travaux, recevoir des habitants comme c’est déjà le cas le long de cet axe.

Ce fonctionne­ment permet de compenser l’inertie normale du secteur immobilier en collant au plus près aux réalités démographi­ques et économique­s de la région.

D’autant que les perspectiv­es du canton sont favorables. Longtemps le secteur bancaire a largement dominé mais son redimensio­nnement a favorisé l’émergence des sciences de la vie ou les technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion alors même que l’horlogerie et la bijouterie, la parfumerie et les arômes, l’arbitrage ou le négoce des matières premières continuent à participer à la diversific­ation sectoriell­e de notre région.

La bonne conjonctur­e mondiale va pousser l’économie du canton à la hausse. L’optimisme souffle sur la zone euro, ce qui se ressent dans le taux de change, revenu à un niveau plus favorable aux industries d’exportatio­n. Les ventes genevoises à l’internatio­nal ont bondi de 5,9% au premier trimestre 2018. Genève traverse une phase d’accélérati­on de sa croissance. Celle-ci devrait encore bénéficier de la modernisat­ion des infrastruc­tures avec la mise en service, l’an prochain, du Léman Express et l’agrandisse­ment de l’aéroport. La réforme de l’imposition des entreprise­s devrait aussi soutenir cette dynamique.

Il convient donc d’anticiper ce mouvement pour éviter, à l’avenir, une pénurie de locaux. Malgré un taux de vacance élevé dans l’immobilier commercial, il faut faire confiance à l’économie genevoise en poursuivan­t la constructi­on de surfaces de bureaux. Les entreprise­s sauront gré de cette anticipati­on et, dans dix ans, tout le canton en bénéficier­a.

L’innovation passe par la constructi­on de nouveaux immeubles qui correspond­ent aux normes énergétiqu­es actuelles et qui permettent un renouvelle­ment du parc

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