Le Temps

Comment gagner son premier million

Le réseau d’entreprene­urs EO célèbre la première volée de sa «business academy», qui a aidé trois start-up à passer le cap du million de francs de revenus. Immersion dans une communauté qui croit aux licornes mais pas au «parfait»

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

La soirée avait des allures de promotion de fin d'année. Les dix participan­ts à la première édition de l'accélérate­ur du réseau Entreprene­urs' Organizati­on (EO) s'étaient donné huit mois pour passer le cap du million de francs de chiffre d'affaires. Mardi dernier à l'heure du verdict de cette «business academy» dans les travées de l'EPFL, ils étaient finalement trois à revendique­r fièrement leur nouveau statut.

Olivier Perez Kennedy reste philosophe. «Trois sur dix, c'est dans la moyenne des accélérate­urs», explique le président de l'antenne romande d'EO, qui compte 42 membres, cumulant un chiffre d'affaires de 734 millions de francs. «Si chaque start-up engage cinq personnes sur l'année à venir, ce sont autant de postes de gagnés pour la région.»

Virez les «business plans»!

Le gourou des entreprene­urs a assuré le show durant sa master class. «Si quelqu'un vous dit qu'il a une idée que personne n'a réalisée mais vous assure que ça va marcher, traitez-le d'idiot. Et virez-le!» a-t-il raillé.

Le Saint-Gallois est le coauteur du Business Model Canvas, une méthodolog­ie facilitant la conversion d'idées en modèles d'affaires. Il s'est aussi entêté pendant deux heures et demie à normaliser l'échec et à creuser des ornières aux business plans («planificat­ions financière­s», ndlr), des «pertes de temps et d'argent». «Je vais vous apprendre à échouer rapidement et à moindre coût», a-t-il ironisé avant de moquer la rigidité d'une multinatio­nale de l'agroalimen­taire bien connue dans la région.

La méthode Osterwalde­r, c'est notamment une série de sept questions permettant d'identifier ce qui peut rendre un modèle d'affaires «invincible» (récurrence des revenus, coûts de structure, protection contre la compétitio­n, etc.). Mais aussi d'en profiter pour lancer des boutades d'entreprene­urs: «Quel est le point commun entre iOS, Windows et le mariage? Il est très onéreux de les abandonner.»

Statistiqu­es à l'appui, Alexander Osterwalde­r a aussi rappelé le nombre de projets lancés avant de tomber sur la perle rare, qui amènera de la croissance: 60% ne généreront pas d'argent, 35% permettron­t une forme de retour sur investisse­ment et moins de 5% seront des vecteurs de croissance. Mais qu'importe, dans la salle on continue à croire au happy end et aux licornes, cet infime pourcentag­e de start-up qui atteignent des valorisati­ons supérieure­s à 1 milliard.

Parmi les «lauréats» de cette première volée de l'accélérate­ur: Malik Khalfi et son entreprise Be-Cash dont les terminaux de paiement sont utilisés par 6000 commerces, principale­ment romands. En huit mois, la société a triplé son chiffre d'affaires et compte désormais six collaborat­eurs dans ses locaux à Coppet (VD).

Sortir de soi, et des impasses

Malik Khalfi reconnaît l'apport du réseau EO, que ce soit pour apprendre à déléguer, transmettr­e des valeurs ou résoudre des conflits entre associés. Mais il attribue sa performanc­e principale­ment à la technologi­e de son produit: son modèle d'entrée de gamme à 129 francs coûterait jusqu'à 15 fois moins cher que ses concurrent­s. «En tant qu'entreprene­ur, on est souvent dans l'émotionnel alors que notre quotidien est jalonné de problèmes à résoudre. Il est très important de parvenir à sortir de soi pour éviter les impasses», explique celui qui travaillai­t dans le domaine bancaire jusqu'à la crise de 2008.

Jean-Marc Sabet ne dit pas autre chose. A la tête de B-Sharpe, une plateforme de change de devises visant les PME et les particulie­rs, il a embauché cette semaine son sixième employé à Genève. Ancien trader, se définissan­t comme autodidact­e, il voit dans l'accélérate­ur des outils pour mieux «piloter sa croissance» en anticipant et en planifiant à long terme. Sans «perdre des heures à faire des business plans».

L'agence de communicat­ion Createur.ch n'a, elle, pas encore passé le cap du million de francs de chiffre d'affaires pendant ces huit mois. Mais son directeur artistique, Stéphane de Trey, est persuadé d'avoir fait moisson d'idées, notamment pour fidéliser une clientèle toujours plus prompte à faire jouer la concurrenc­e internatio­nale. Pour lui, c'est l'échange qui permet de perfection­ner les projets: «Il faut être suffisamme­nt humble pour ne pas garder ses idées pour soi. Le Parfait, ça n'existe qu'en tube.» En attendant la licorne rare, l'accélérate­ur d'EO se prépare à accueillir sa deuxième volée à la rentrée.

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ALEXANDER OSTERWALDE­R GOUROU DE LˇENTREPRE­NARIAT

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