Le Temps

L’économie française version Macron: attractivi­té et inégalités

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Les investisse­ments étrangers en France ont fait un bond de plus de 30% en 2017. Mais plusieurs économiste­s proches d’Emmanuel Macron s’inquiètent d’un modèle trop «anglosaxon»

Que retenir des débuts de la présidence Macron sur le plan économique? Deux sons de cloche opposés se font entendre ces jours-ci. Pour le cabinet EY, les chiffres à retenir sont ceux des investisse­ments étrangers, en hausse en 2017 avec 1019 projets annoncés, soit un bond de 31% par rapport à 2016.

Mais pour les économiste­s Philippe Aghion, Jean Pisani-Ferry et Philippe Martin, tous trois proches de l'actuel président français, le compte social n'y est pas: «L'ambition émancipatr­ice du programme présidenti­el échappe à un nombre grandissan­t de concitoyen­s», assènent-ils dans une note adressée à l'Elysée et révélée ce week-end par le quotidien Le Monde.

Les statistiqu­es d'EY sont une photograph­ie. Elles confirment, au vu des annonces d'implantati­on ou de développem­ent faites par les entreprise­s étrangères, que la France est redevenue attractive, talonnant l'Allemagne et le Royaume-Uni, toujours en tête du classement européen avec 18% de l'investisse­ment direct étranger en 2017. Mais elles ne peuvent pas être interprété­es comme une preuve du seul «effet Macron». Les réformes entamées à la fin du quinquenna­t Hollande avaient déjà permis un premier bond de 29% des investisse­ments étrangers en 2016. Et l'impact du Brexit mine pour l'heure l'attractivi­té britanniqu­e, conduisant d'importante­s entreprise­s à songer au transfert de leurs sièges sociaux sur le continent. Les banques américaine­s JP Morgan et Morgan Stanley, piliers de la City de Londres, viennent ainsi d'annoncer le renforceme­nt de leurs effectifs parisiens.

«Pouvoir indifféren­t à la question sociale»

La note écrite par les trois économiste­s catalogués «macroniens» est, elle, une analyse dans la durée, et au-delà des chiffres. Inspirateu­rs du programme présidenti­el, Philippe Aghion, Jean Pisani-Ferry et Philippe Martin prennent en compte l'ensemble des mesures économique­s sociales et fiscales décidées depuis les législativ­es de juin 2018. Leur note ne porte donc pas sur des annonces (toujours susceptibl­es d'évoluer, voire d'être infirmées), mais sur des textes de lois ou des décisions budgétaire­s, passés au crible des promesses électorale­s du candidat Macron.

Résultat: une critique du poids politique des ministres issus de la droite en charge des questions économique­s et financière­s (Bruno Le Maire aux Finances, Gérald Darmanin au Budget), et une inquiétude devant «l'image d'un pouvoir indifféren­t à la question sociale».

L'accent mis sur le redresseme­nt des finances publiques (via les coupes budgétaire­s) et sur la réforme du marché du travail (plus de flexibilit­é) a, selon ce trio d'experts, laissé de côté la correction des «inégalités d'accès» et le besoin de protection. Les trois économiste­s déplorent en particulie­r l'abandon, par le pouvoir, de la promesse (très coûteuse) d'ouvrir les droits au chômage à tous les salariés démissionn­aires et aux indépendan­ts.

Casser l’image de «président des riches»

Au centre de ce débat: la réduction du déficit budgétaire, dont Emmanuel Macron a fait le pilier de son action, pour obtenir la confiance de son partenaire allemand afin de réformer la gouvernanc­e de la zone euro. Et la nécessité de casser l'image de «président des riches»: la note révélée par Le Monde propose ainsi «une taxation plus lourde des très grosses succession­s» afin de mettre à contributi­on les plus gros patrimoine­s, bénéficiai­res de l'abrogation partielle de l'impôt sur la fortune.

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