Le Temps

Pourquoi la gauche française a gagné

- DIDIER MAURIN DIRECTEUR DE KATLEYA GESTION

Officielle­ment en France, et surtout grâce à François Hollande, la gauche a perdu toutes ses dernières élections. Mais elle continue pourtant à dominer les esprits. En effet, chez nos voisins, quatre grandes puissances parmi les plus importante­s véhiculent son idéologie: l’éducation nationale, qui «construit» les têtes; les journalist­es, qui nous informent et dont 90% sont de gauche; les juges, qui sont censés régler les conflits; et enfin la fonction publique qui, d’une façon générale, organise la société.

Par une telle prépondéra­nce, la gauche et son idéologie demeurent incontourn­ables, mais plutôt que de les contrer, Emmanuel Macron préfère juguler la seule force politique qui pourrait réellement le contrarier: la droite. Pour ce faire, il se veut anti-migrants et tente de réformer des monopoles d’Etat comme la SNCF, supprimant les privilèges des cheminots, tout en ouvrant l’entreprise à la concurrenc­e. La droite peine ainsi à le contrer et, tel David contre Goliath, son image de néolibéral qui tente de réformer la France en sort renforcée.

Par ailleurs, il prend beaucoup moins de risques que certains le laissent entendre car, si en Mai 1968, les grands intellectu­els étaient soit maoïstes, soit ultragauch­istes, tel Sartre à la tête du prolétaria­t, et les anarchiste­s étaient légion, rien de semblable ne subsiste aujourd’hui. Raymond Aron évoquait à ce propos la «déconstruc­tion des idéologies» et le fait que la France ne risquait plus d’être bloquée pendant une longue période. Le milliardai­re Warren Buffett a probableme­nt raison de prétendre que «la lutte des classes existe… et grâce à la mondialisa­tion… c’est nous, les riches, qui l’avons gagnée!» Malgré tout, un problème demeure, car le politiquem­ent correct a totalement envahi l’espace public, que ce soit au sujet des minorités sexuelles, de l’islamisme, de l’écologie – la liste n’en finit plus de s’allonger –, et vous conduit tout droit devant les tribunaux si vous ne le respectez pas.

Bilan: l’extrême droite progresse partout dans le monde et des personnali­tés, à l’instar de Donald Trump, qui cassent les dogmes, parviennen­t à se faire élire. Or, les réformes Macron ne sont que de superficie­lles «réformette­s» dont le but n’est pas de transforme­r réellement la France comme il le prétend, mais plutôt de briser la droite. Le risque est dès lors grand de voir survenir en France ce qui vient de se produire en Italie, à savoir l’accession au pouvoir des anti-migrants anti-européens.

En effet, de profonds problèmes persistent. L’antisémiti­sme, par exemple, n’est globalemen­t plus une affaire d’extrême droite. En revanche, il est particuliè­rement virulent dans les banlieues françaises via les islamistes, et gangrène toute la société. Prenez un départemen­t comme celui de Seine-Saint-Denis, le fameux «9-3» ou les quartiers nord de Marseille. Plus un seul étudiant juif ne s’y risque, ce qui est ouvertemen­t révélateur. Mais il convient de ne pas le dire, pour des raisons «politiquem­ent correctes», car la «bonne vérité sous cellophane» reste de rigueur. Ce qui, vous en conviendre­z, constitue déjà un début d’autoritari­sme.

Autre problème bien présent mais occulté: le mythe du bac pour tous créé par l’ancien président socialiste François Mitterrand, obnubilé par l’égalitaris­me, qui a conduit à une dévalorisa­tion complète de ce diplôme. Le taux de son obtention a augmenté de plus de 50% depuis le début des années 1980 pour atteindre 90% de réussite. Comme l’a dit Luc Ferry: «Aujourd’hui pour ne pas avoir le bac, il faut en faire la demande!» Une chose est sûre, l’augmentati­on de ce taux n’a pas contribué à diminuer celui du chômage au cours de la même période. Preuve de l’échec complet d’une politique de gauche dont la remise en question est pourtant taboue, car elle entretient l’illusion que chacun a les mêmes capacités.

Dès lors, les chances que Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen, soit la prochaine présidente de la République française augmentent, car elle est officielle­ment d’extrême droite via son ascendance (bien qu’elle ait récemment abandonné son patronyme Le Pen), alors même qu’elle a des idées de gauche comme elle l’affirme elle-même. Or, en France, s’afficher d’extrême droite tout en étant de gauche reste porteur, bien que surprenant pour un étranger, car cela constitue une excellente idéologie fédératric­e. Tel Emmanuel Macron, qui était officielle­ment de gauche mais a veillé à être la droite de la gauche!

Les réformes Macron ne sont que de superficie­lles «réformette­s» dont le but est de briser la droite

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