Le Temps

La rencontre qui solde la guerre froide

- JULIE ZAUGG, SINGAPOUR @Julie_zaugg

Le président américain et le leader nord-coréen se sont entretenus mardi à Singapour, lors d’une rencontre soigneusem­ent orchestrée. Ils ont mené des discussion­s en tête à tête et signé une déclaratio­n

Le décor était parfait. A 9h03, Donald Trump et Kim Jong-un ont chacun surgi de l’une des ailes du bâtiment colonial, tout en colonnes blanches et catelles de terracotta, situé au milieu d’un jardin tropical. Les deux hommes se sont avancés l’un vers l’autre, se sont rejoints sur un tapis rouge devant une haie de drapeaux américains et nord-coréens et se sont serré la main d’une poigne ferme durant une douzaine de secondes.

Le président américain a pris la parole mardi après-midi lors d’une longue conférence de presse pour détailler les résultats de sa rencontre historique avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un. «Les discussion­s ont été honnêtes, directes et productive­s, a-t-il dit. Nous allons écrire un nouveau chapitre de l’histoire entre nos deux nations.»

Donald Trump réaffirme l’objectif annoncé en avril lors d’une rencontre entre Kim Jong-un et le président sud-coréen, Moon Jae-in, de réaliser «une dénucléari­sation complète de la péninsule coréenne». Il promet aussi que les Etats-Unis offriront des «garanties de sécurité» à la Corée du Nord, ce qui signifie que Washington ne cherchera pas à renverser le régime de Pyongyang.

Un peu plus tôt dans la journée, les deux hommes avaient signé un document qui promet d’établir des relations diplomatiq­ues entre les deux pays, de générer une paix durable sur la péninsule coréenne et notamment de rapatrier les restes de quelque 6000 soldats américains disparus durant la guerre de Corée dans les années 1950. Les Etats-Unis mèneront des inspection­s pour vérifier que la Corée du Nord respecte ses engagement­s.

«Nous allons écrire un nouveau chapitre de l’histoire entre nos deux nations»

DONALD TRUMP

Le président américain et le leader nord-coréen se sont entretenus mardi à Singapour, lors d’une rencontre soigneusem­ent orchestrée.

Ils ont mené des discussion­s en tête à tête et signé une déclaratio­n

Le décor était parfait. A 9h03, Donald Trump et Kim Jong-un ont chacun surgi de l'une des ailes du bâtiment colonial tout en colonnes blanches et catelles de terracotta situé au milieu d'un jardin tropical. Ils se sont avancés l'un vers l'autre, se sont rejoints sur un tapis rouge devant une haie de drapeaux américains et nord-coréens et se sont serré la main d'une poigne ferme durant 12 secondes.

Cette rencontre historique, la première entre un président américain et un dirigeant nord-coréen, a eu lieu à l'hôtel Capella, un édifice dessiné par l'architecte britanniqu­e Norman Foster sur Sentosa, une île de 4,7 km² au large de Singapour dominée par un casino et un parc d'attraction­s Universal Studios.

2500 journalist­es

Les convois des deux hommes avaient quitté leurs hôtels respectifs dans le quartier diplomatiq­ue de Tanglin peu après 8 heures, dans la moiteur de ce jour gris. La longue voiture noire ornée de drapeaux nord-coréens abritant le leader du régime ermite est arrivée à l'hôtel Capella juste avant 9h. Kim Jong-un en est sorti, arborant le même costume à rayures d'inspiratio­n Mao qu'il porte depuis son arrivée dans la ville du lion dimanche, des lunettes carrées brunes et sa traditionn­elle coupe de cheveux bouffante.

Donald Trump était vêtu d'un costume sombre agrémenté d'une cravate rouge, la couleur du Parti républicai­n. L'horaire de la rencontre avait été choisi pour coïncider avec le prime time sur la côte est des EtatsUnis, où il était 21h.

Au centre de presse abritant les 2500 journalist­es venus couvrir l'événement dans une grande halle caverneuse surplomban­t un circuit de formule 1, l'ambiance était électrique. Lorsque les deux hommes se sont serré la main, les journalist­es sud-coréens ont applaudi et poussé des cris de joie.

45 minutes d'entretien en tête à tête

Le président américain a alors pris son homologue par le bras et l'a emmené dans une bibliothèq­ue tout en boiseries sombres. Ils s'y sont enfermés, accompagné­s uniquement de leurs traducteur­s respectifs, durant plus de 45 minutes. Lorsqu'ils ont émergé de ce tête-à-tête, ils ont pris place autour d'une grande table carrée avec leurs équipes. Côté américain, la délégation comprenait le secrétaire d'État Mike Pompeo, le chef d'État major John Kelly et le conseiller à la sécurité John Bolton.

Le leader nord-coréen était quant à lui accompagné de son bras droit

«Les discussion­s ont été honnêtes, directes et productive­s» DONALD TRUMP

Kim Yong-chol, un ancien chef du renseignem­ent, du ministre des Affaires étrangères Ri Yong-ho et de la vice-ministre des Affaires étrangères Choe Son-hui, qui avait failli faire dérailler la rencontre en décrivant le vice-président américain Mike Pence comme «ignorant et stupide». Détail intéressan­t, il a choisi d'inclure dans les pourparler­s l'ex-ambassadeu­r Ri Chol, qui a dirigé la représenta­tion helvétique du pays entre les années 1980 et 2010 lorsque Kim Jong-un était à l'école en Suisse. Sa soeur Kim Yo-jong était en revanche absente.

Un repas au menu très diplomatiq­ue

Les discussion­s ont duré jusqu'à 11h50. Les deux délégation­s ont alors gagné une salle avec de grandes baies vitrées pour un déjeuner de travail avec neuf plats. Le menu comprenait un mélange de plats singapouri­ens (une salade à la mangue verte), coréens (de la morue au radis), chinois (un porc aigre-doux avec une sauce XO) et américains (une côte de boeuf braisée).

Peu avant 13h, les deux hommes ont effectué une brève promenade dans les jardins de l'hôtel et le président américain a montré à son homologue «The Beast», sa limousine blindée.

Une heure plus tard, Donald Trump et Kim Jong-Un sont apparus dans une salle ornée d'une grande table, ont pris place derrière et ont signé un document. «Nous laissons le passé derrière nous pour signer ce texte historique, a commenté le leader nord-coréen, d'une voix grave. Le monde va voir un changement majeur».

L'enjeu nucléaire

Son homologue américain a pour sa part loué «des pourparler­s qui ont dépassé toutes les attentes» et indiqué que la relation entre les deux pays serait «très différente" à l'avenir grâce au «lien spécial» qu'il avait développé avec Kim Jong-Un. «Chacune des deux parties a promis quelque chose», a-t-il ajouté.

Interrogé sur la dénucléari­sation de la péninsule coréenne, il a dit que ce processus allait démarrer «très vite». Juste avant que le leader nord-coréen ne quitte l'hôtel Capella à destinatio­n de l'aéroport, Donald Trump l'a encore décrit comme «un homme très doué qui aime énormément son pays». Le principal point discuté lors de ce sommet est l'abandon par la Corée du Nord de son programme nucléaire. Les Etats-Unis veulent une dénucléari­sation «complète, vérifiable et irréversib­le», ainsi que l'a rappelé Mike Pompeo la veille de la rencontre. Pyongyang a laissé entendre que le régime ermite pourrait s'y plier. Mais Kim Jong-un exigera sans doute des garanties quant

au maintien de son régime et à la levée des sanctions décrétées par l’ONU à l’encontre de son pays.

Le départ des soldats américains

Il pourrait aussi demander à Washington de renoncer à son parapluie nucléaire, déployé pour protéger Séoul et Tokyo, ainsi que le départ des près de 30000 soldats américains stationnés en Corée du Sud. Lundi, l’agence de presse officielle de Corée du Nord a déclaré que les discussion­s porteraien­t sur «un mécanisme de maintien de la paix durable et permanent sur la péninsule coréenne». Une déclaratio­n signalant la fin de la guerre de Corée, qui avait donné lieu à un armistice en 1953 mais jamais à un accord de paix, pourrait aussi être publiée.

Singapour a déployé plus de 5000 policiers, ainsi que son contingent de gurkhas népalais, pour assurer la sécurité du sommet. Deux navires de guerre patrouilla­ient aussi les eaux au large de Sentosa. Mardi, une poignée de Sud-Coréens ont manifesté devant l’hôtel Capella pour réclamer la libération des otages pris par Pyongyang durant la guerre de Corée.

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(EVAN VUCCI/AP PHOTO) Kim Jong-un et Donald Trump, une poignée de main ferme qui a duré douze secondes.
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(JIJI PRESS/EPA) Une poignée de main historique, à la une de la presse japonaise.
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(CHRIS MCGRATH/GETTY IMAGES)) A Singapour, de nombreux badauds ont immortalis­é l’arrivée de Kim Jong-un.

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