Le Temps

Pionnier de l’agricultur­e verticale

Kimbal Musk, le frère du patron de Tesla et de SpaceX, a une obsession: combattre la malbouffe en prônant l’agricultur­e urbaine. Visite de Square Roots, petite oasis en plein coeur de Brooklyn, où les plantes poussent à la verticale dans des containers

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Il est bien plus discret que son frère Elon, patron de Tesla et de SpaceX, mais lui aussi a une success-story à raconter. Kimbal Musk se bat contre la malbouffe en prônant l’agricultur­e urbaine. Visite de son oasis, au coeur de Brooklyn, où les plantes poussent à la verticale.

Il ne fait pas les gros titres pour avoir placé une Tesla en orbite autour de la Terre ou pour ses ambitions de coloniser Mars. Malgré le chapeau de cowboy qu’il arbore en permanence, Kimbal Musk, 45 ans, est bien plus discret que son grand frère, le multimilli­ardaire Elon, patron de Tesla et de SpaceX. Mais lui aussi a une success-story à raconter. Son truc à lui, c’est l’alimentati­on saine et l’agricultur­e urbaine.

C’est à New York, dans le quartier de Brooklyn, dans une ancienne usine Pfizer, tout près de l’immeuble où a vécu le rappeur Jay Z, qu’il a installé Square Roots. But de son incubateur de start-up créé fin 2016 avec son complice britanniqu­e Tobias Peggs: aider de jeunes entreprene­urs à se lancer dans l’agricultur­e urbaine. L’idée est de promouvoir des produits locaux – herbes aromatique­s et légumes – sans OGM ni insecticid­e toute l’année, en rentabilis­ant au maximum l’espace utilisé.

Dix containers sur un parking

Ce 22 mai, plusieurs fermiers urbains présentaie­nt fièrement leurs pousses à un groupe de curieux venus visiter les lieux. Les mini-fermes sont installées dans dix containers, de ceux qui voyagent sur les cargos. De l’extérieur, on ne voit que des boxes de métal peintes en blanc et noir, sur un parking. La magie se love à l’intérieur: des plants cultivés hors sol, en hydroponie – pas de terre, uniquement de l’eau enrichie de sels minéraux –, sous des LED. Du rose pétant, qui donne immédiatem­ent la pêche. Ces LED reproduise­nt en fait les longueurs d’onde rouge et bleue de la lumière solaire.

Les plantes sont disposées en colonnes. Les premiers fermiers, tous des millennial­s, ont été sélectionn­és parmi plus de 500 candidats. Ils sont formés pendant douze mois avant de voler de leurs propres ailes. «Ces fermes verticales peuvent être installées en plein coeur des villes. Les entreprene­urs de Square Roots contournen­t l’impact négatif du transport dans la chaîne alimentair­e industriel­le, en faisant pousser de la nourriture saine en grande quantité, juste à côté des gens qui veulent la manger», expliquait Kimbal Musk, au moment du lancement du projet.

Les containers font 30 m2 et peuvent offrir un rendement annuel qui équivaut à 2 ha de terrain. En utilisant 90% moins d’eau. Les prix, par contre, prennent un peu l’ascenseur: un petit sachet de kale – très à la mode aux Etats-Unis – se vend dans les 7 dollars. Square Roots espère disposer d’une vingtaine de campus de «fermes du futur» comme celui de Brooklyn, d’ici à 2020. Le coût le plus élevé de ces fermes reste pour l’instant l’électricit­é.

Mardi, Tobias Peggs, enthousias­te malgré le temps pluvieux, a insisté sur l’aspect technologi­que de ces installati­ons. Il contrôle tout via son téléphone portable. «Si vous vous souvenez d’un incroyable légume mangé en Italie telle année, il est possible, en faisant des recherches, de recréer les mêmes conditions météorolog­iques en containers pendant plusieurs semaines pour avoir le même produit», expliquait-il aux NewYorkais et aux touristes venus découvrir Square Roots. Il n’a cessé de mettre l’accent sur l’importance du contact direct avec le client. «Un chef japonais a par exemple demandé à un de nos fermiers de lui faire pousser du shiso.»

Sensibilis­er les jeunes

Square Roots est le dernier bébé de Kimbal Musk, mais pas sa première expérience «verte». En avril 2004, il fonde avec deux amis The Kitchen Cafe, à Boulder, dans le Colorado, sa première chaîne de restaurant­s qui ne propose que des produits locaux. Soucieux de transmettr­e ses conviction­s écologiste­s, il développe sept ans plus tard des «jardins d’apprentiss­age» dans des écoles, pour sensibilis­er la jeune génération à une alimentati­on saine, respectueu­se de l’environnem­ent, un projet baptisé «Big Green». Il existe aujourd’hui près de 300 de ces potagers éducatifs, à Chicago, Denver, Los Angeles et Memphis.

Avec Square Roots, Kimbal Musk ambitionne de poursuivre sa «révolution verte», pour imposer une nouvelle hygiène de vie. Si elle est la première à se lancer dans l’agricultur­e verticale dans des containers de cargo à New York, AeroFarms – 6500 m2 de surface, la plus grande ferme aéroponiqu­e du monde – se royaume dans le New Jersey voisin depuis 2015, sans toutefois la composante incubateur pour start-up.

Kimbal Musk tient beaucoup de sa mère, diététicie­nne. Mais avant de se lancer dans l’aventure agricole version tech, il travaillai­t lui aussi dans la Silicon Valley. Il a contribué à la création, avec son frère Elon, d’une applicatio­n de localisati­on, Zip2, vendue pour 300 millions de dollars, puis tous deux ont lancé l’ancêtre de PayPal. Kimbal, qui siège au sein des conseils d’administra­tion de Tesla, de SpaceX et de Chipotle Mexican Grill, a ensuite décidé de partir à New York pour vivre sa passion et suivre une école de cuisine au French Culinary Institute. Il la termine en été 2001, sans forcément avoir l’intention de poursuivre dans le domaine. Les attentats du 11-Septembre ont changé la donne: après avoir vu les tours jumelles s’effondrer, il travaille pendant six semaines comme cuisinier bénévole pour nourrir les pompiers chargés de fouiller les décombres. C’est ce qui lui a donné envie d’ouvrir son propre restaurant. Et de devenir une sorte d’avocat pour ce qu’il appelle la «real food».

KIMBAL MUSK ENTREPRENE­UR «Ces fermes verticales font pousser de la nourriture saine en grande quantité, juste à côté des gens qui veulent la manger»

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 ?? (MIKE SEGAR/REUTERS) ?? Chez Square Roots, les plants sont cultivés hors sol, en hydroponie, sous des LED qui reproduise­nt en fait les longueurs d’onde rouge et bleue de la lumière solaire.
(MIKE SEGAR/REUTERS) Chez Square Roots, les plants sont cultivés hors sol, en hydroponie, sous des LED qui reproduise­nt en fait les longueurs d’onde rouge et bleue de la lumière solaire.
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