Le Temps

CarPostal fait tomber une nouvelle tête

Chef des finances de La Poste de 2012 à 2016, Pascal Koradi démissionn­e de la direction de la Banque cantonale d’Argovie pour ne pas «nuire à sa réputation». A qui le tour?

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Une nouvelle tête est tombée dans l’affaire CarPostal: Pascal Koradi, 45 ans, chef des finances de La Poste de 2012 à 2016, a quitté sa fonction de président de la direction de la Banque cantonale d’Argovie (AKB) dans le souci de «ne pas nuire à sa réputation», indique l’établissem­ent bancaire dans un communiqué diffusé mardi. «Le conseil de banque considère cette décision, qui témoigne d’un très haut sens des responsabi­lités, avec grand respect. Il souligne que l’intégrité personnell­e et la confiance placée en Pascal Koradi n’ont jamais été remises en question.»

Pascal Koradi n’est guère connu du public. Mais son ancienne fonction de chef des finances de La Poste l’a placé au centre de la polémique. Il faisait partie des destinatai­res de plusieurs courriels dans lesquels la question des bénéfices illicites était évoquée. Il a aussi participé à diverses séances consacrées à ce sujet, en particulie­r celle du 21 août 2013. En prévision de cette réunion, la responsabl­e de la révision interne avait adressé une note de préparatio­n à trois membres du conseil d’administra­tion – dont le président Peter Hasler –, à Susanne Ruoff, à Pascal Koradi et au directeur de CarPostal, Daniel Landolf.

Jamais auditionné

Dans ce document, elle rappelait que «des transferts de coûts à charge du transport subvention­né de voyageurs» étaient réalisés et approuvés par la direction de CarPostal. Cela portait sur 11 millions en 2011 et 19 millions en 2012. «Du point de vue de la révision interne, ces transferts vont au-delà des flux de valeurs approuvés par le régulateur. La direction de CarPostal est consciente du risque, mais, en raison des objectifs de rendement fixés à CarPostal, elle ne voit pas d’autre possibilit­é à l’heure actuelle», ajoutait-elle. Cette note a été discutée ce fameux 21 août. A la fin du procès-verbal, on lit cependant cette phrase déconcerta­nte: le conseil d’administra­tion estimait qu’il n’y avait «pas matière à intervenir».

Irrégulari­tés connues d’un cercle considérab­le

Le nom de Pascal Koradi apparaît dans d’autres échanges dans lesquels ont été examinés différents scénarios visant à sécuriser les gains de CarPostal dans la perspectiv­e d’une restructur­ation envisagée pour 2016. Lorsque l’affaire a éclaté en février dernier, puis encore lundi à l’Aargauer Zeitung, Pascal Koradi affirmait n’avoir rien su d’éventuelle­s irrégulari­tés. Les choses se sont précipitée­s et il a annoncé son départ mardi. «Je souligne que je m’en tiens à toutes les décisions prises comme chef des finances du groupe La Poste. Je regrette beaucoup de ne jamais avoir pu être entendu par les responsabl­es actuels de La Poste. Une clarificat­ion sans faille des événements me tient à coeur», écrit-il. Il faut préciser que l’équipe mise sur pied par le président de La Poste, Urs Schwaller, n’a pas été autorisée à auditionne­r quiconque en raison de l’instructio­n pénale administra­tive ouverte par Fedpol.

Après la direction in corpore de CarPostal, Susanne Ruoff, la réviseuse interne et Pascal Koradi, à qui le tour? Les experts externes relèvent que les irrégulari­tés commises par CarPostal «étaient connues d’un cercle de personnes d’ampleur considérab­le». Les regards se tournent en premier lieu vers Peter Hasler, président du conseil d’administra­tion de 2010 à 2016. Le 8 septembre 2011, il avait participé à une séance lors de laquelle les cantons et l’Office fédéral des transports avaient fait savoir qu’il n’était pas acceptable que CarPostal dégage des bénéfices.

Déjà avant 2007?

Selon les chiffres communiqué­s ce printemps, les opérations illicites portent sur 91 millions entre 2007 et 2015. Les indices recueillis par les experts laissent cependant penser que les transferts comptables ont débuté avant cette période. Ainsi, une note interne du 27 mars 2007 résumait une discussion entre Daniel Landolf, le patron de La Poste de l’époque, Ulrich Gygi, et d’autres personnes. Il y était relevé que les régions Grisons, Valais et Suisse romande réalisaien­t des marges supérieure­s aux autres centres de profit de CarPostal. Elle parlait d’un lissage des marges entre les régions dans le but d’éviter de devoir réduire les subvention­s dans celles où elles étaient supérieure­s à la moyenne. Elle évoquait aussi les exigences de rendement.

 ?? (CHRISTIAN SCHNUR/KEYSTONE) ?? Pascal Koradi: «Je regrette beaucoup de ne jamais avoir pu être entendu par les responsabl­es actuels de La Poste. Une clarificat­ion sans faille des événements me tient à coeur.»
(CHRISTIAN SCHNUR/KEYSTONE) Pascal Koradi: «Je regrette beaucoup de ne jamais avoir pu être entendu par les responsabl­es actuels de La Poste. Une clarificat­ion sans faille des événements me tient à coeur.»

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