Laïcité, rempart contre les croisés
L’affaire a ému Genève. Vendredi, Le Temps apprenait que des hauts fonctionnaires du Département de la formation et de la jeunesse avaient envoyé aux directeurs d’école des recommandations sur le ramadan, allant jusqu’à demander d’adapter le programme au jeûne. En parfaite contradiction avec les principes de la laïcité à l’école.
L’histoire n’a rien d’anecdotique, en ce qu’elle reflète la division sur la laïcité. La même qui s’exprime à la faveur de la loi récemment adoptée, sur laquelle l’extrême gauche a fait feu, ravie que de nouveaux camarades – les musulmans prétendument discriminés – viennent gonfler les rangs du «front de classe». Des partis gouvernementaux sont aussi sensibles à cette vision, par peur de froisser une communauté, par crainte de se voir accusés de basculer du côté du mal. Les Verts se sont ralliés aux référendums, une partie des socialistes les soutiendront. Ils ne craignent rien tant que l’étiquette très mode «d’islamophobe». Au passage, reconnaissons aux radicaux le talent d’avoir su instiller un sentiment de culpabilité chez ceux qui refusent les inégalités au nom d’un dogme.
Puisqu’il est devenu moins dangereux de s’accommoder, on s’accommode: du ramadan à l’école, du voile des fonctionnaires. Et tant pis si ceux qu’on défend sont souvent ceux qui se rendent coupables d’homophobie, d’intolérance religieuse ou de sexisme. La droite traditionnelle, elle non plus, ne s’empare guère des sujets qui fâchent. Et c’est ainsi que l’islam politique devient tabou. Or la droite populiste raffole des tabous, elle en a même fait une spécialité. A lui laisser le champ libre, on prend le risque que le vrai débat soit confisqué et qu’il dégénère.
A Genève, la laïcité n’est ni une lubie, ni un produit récemment importé; en 1907 déjà elle était aux mains des législateurs. Cette nouvelle loi est le plus petit dénominateur commun entre les différents courants de la République. Dans son imperfection, il faut la soutenir. Elle est un rempart contre les croisades que le retour du religieux en politique et dans la société pourrait provoquer.
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