Le Temps

A Genève, GEO prend le pouls de la Terre

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Le Groupe des observatio­ns de la Terre (GEO) pousse les Etats et les organisati­ons à travers le monde à partager leurs données sur l’évolution de la planète, des informatio­ns essentiell­es pour relever les défis écologique­s d’aujourd’hui

A l’heure du big data, le «pétrole du XXIe siècle», et des menaces que fait peser sur l’humanité le changement climatique, l’action du Groupe des observatio­ns de la Terre (GEO), installé à Genève, prend un relief tout particulie­r. Sa directrice, Barbara Ryan, qui officia auparavant comme directrice du programme spatial de l’Organisati­on météorolog­ique mondiale (OMM), dirige une organisati­on intergouve­rnementale comprenant 105 Etats membres et 126 organisati­ons.

Cette Américaine de 64 ans en explique la mission: «Les gouverneme­nts collectent d’innombrabl­es données issues d’observatio­ns de la terre qui se limitent souvent au territoire national. Or la Terre est un système très complexe qui obéit à des phénomènes qui ne connaissen­t pas les frontières. Il est important d’intégrer les différents systèmes nationaux. Le rôle de GEO est d’exhorter les Etats à partager à l’échelle globale leurs données.»

Une image globale de l’état de la planète

Vu les défis auxquels la planète est confrontée, famine, pénurie d’eau et d’énergie, catastroph­es naturelles, pandémies ou changement climatique, la collecte de données relatives à l’atmosphère, les océans et la Terre est fondamenta­le. «Notre objectif, poursuit Barbara Ryan, est de nous assurer que les décisions prises par les autorités politiques le soient de manière informée, avec les meilleures informatio­ns scientifiq­ues possibles.»

Diplômée en géologie, géographie et ingénierie civile, Barbara Ryan admet que GEO dispose d’un outil formidable: le Système mondial des systèmes d’observatio­n de la Terre (GEOSS). Quand GEO a vu le jour en 2005, deux ans après le premier Sommet mondial de l’observatio­n de la Terre à Washington, on a jugé nécessaire de se doter d’un moyen qui intègre tous les systèmes particulie­rs pour avoir une image globale de l’état de la planète. C’est ainsi qu’est né GEOSS, aujourd’hui fortement sollicité: environ 5 millions de visites par an, avec l’espoir d’atteindre 10 millions cette année, pour accéder à plus de 400 millions de données.

Les informatio­ns que GEO pousse à partager proviennen­t d’agences nationales en matière de gestion de l’eau, de l’énergie, d’instituts météorolog­iques, agricoles et géologique­s ainsi que d’agences spatiales et d’institutio­ns académique­s. Elles comprennen­t des observatio­ns satellitai­res qui permettent d’identifier les changement­s du paysage, les différence­s de températur­es entre les courants chauds et froids des océans, ou encore les températur­es de surface et atmosphéri­ques. Elles contiennen­t aussi des informatio­ns sur les constituan­ts de l’atmosphère ainsi que des mesures terrestres comme celle de l’humidité des sols.

«Depuis 1958, explique Barbara Ryan, nous mesurons depuis le volcan de Mauna Loa à Hawaï, l’évolution de la teneur en dioxyde de carbone dans l’atmosphère et établisson­s ce qu’on appelle la courbe de Keeling.» Pour la directrice de GEO, cet amas de données est très utile pour la mise en oeuvre de l’Accord de Paris sur le climat.

Un outil précieux pour gérer la sécurité alimentair­e

Au sujet de la suppressio­n récente par l’administra­tion de Donald Trump du très important Système de surveillan­ce carbone de la NASA, Barbara Ryan répond sobrement: «Si un pays perd un instrument de mesure atmosphéri­que pour des raisons politiques, il y a possibilit­é d’en utiliser d’autres, voire de recourir à d’autres pays. Il est important d’assurer une continuité.» Mais elle ajoute: «GEO est financé par des contributi­ons volontaire­s. Nous sommes très fortement touchés par la réduction de la contributi­on des Etats-Unis décidée par l’administra­tion actuelle.»

GEO est fort utile pour gérer les problèmes de sécurité alimentair­e. Depuis que les ministres de l’agricultur­e se sont réunis pour la première fois lors d’un sommet du G20 en 2011 et qu’ils ont décidé de lancer l’initiative GEOGLAM de prévision des récoltes, il est possible d’informer beaucoup mieux les marchés afin d’éviter une explosion des prix agricoles comme ce fut le cas dans les années 2000. En Ouganda, GEO collabore avec les autorités et il a été ainsi possible de prévoir trois mois à l’avance l’arrivée d’une sécheresse qui allait fortement réduire la production. Un gain précieux de temps pour anticiper des mesures.

A quelques jours de la retraite, Barbara Ryan est réaliste: «Je suis une éternelle optimiste, mais là je suis pessimiste à plusieurs égards. Je ne vois pas l’Europe et les Etats-Unis, qui représente­nt 10% de la population mondiale mais 90% de la consommati­on des ressources planétaire­s, changer d’habitudes de consommati­on. De plus, les organisati­ons et gouverneme­nts pourraient mieux partager leurs données.»

Il manque souvent la volonté politique d’agir pour le bien commun. Malheureus­ement, plus de la moitié des données collectées par des satellites d’observatio­n de la Terre contrôlés par des Etats ne sont toujours pas partagées, bien qu’elles ne contiennen­t pas d’éléments sensibles liés à la défense ou aux renseignem­ents.

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(NICOLAS RIGHETTI/LUNDI13 POUR LE TEMPS) Barbara Ryan, directrice du Groupe des observatio­ns de la Terre.

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