A Genève, GEO prend le pouls de la Terre
Le Groupe des observations de la Terre (GEO) pousse les Etats et les organisations à travers le monde à partager leurs données sur l’évolution de la planète, des informations essentielles pour relever les défis écologiques d’aujourd’hui
A l’heure du big data, le «pétrole du XXIe siècle», et des menaces que fait peser sur l’humanité le changement climatique, l’action du Groupe des observations de la Terre (GEO), installé à Genève, prend un relief tout particulier. Sa directrice, Barbara Ryan, qui officia auparavant comme directrice du programme spatial de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), dirige une organisation intergouvernementale comprenant 105 Etats membres et 126 organisations.
Cette Américaine de 64 ans en explique la mission: «Les gouvernements collectent d’innombrables données issues d’observations de la terre qui se limitent souvent au territoire national. Or la Terre est un système très complexe qui obéit à des phénomènes qui ne connaissent pas les frontières. Il est important d’intégrer les différents systèmes nationaux. Le rôle de GEO est d’exhorter les Etats à partager à l’échelle globale leurs données.»
Une image globale de l’état de la planète
Vu les défis auxquels la planète est confrontée, famine, pénurie d’eau et d’énergie, catastrophes naturelles, pandémies ou changement climatique, la collecte de données relatives à l’atmosphère, les océans et la Terre est fondamentale. «Notre objectif, poursuit Barbara Ryan, est de nous assurer que les décisions prises par les autorités politiques le soient de manière informée, avec les meilleures informations scientifiques possibles.»
Diplômée en géologie, géographie et ingénierie civile, Barbara Ryan admet que GEO dispose d’un outil formidable: le Système mondial des systèmes d’observation de la Terre (GEOSS). Quand GEO a vu le jour en 2005, deux ans après le premier Sommet mondial de l’observation de la Terre à Washington, on a jugé nécessaire de se doter d’un moyen qui intègre tous les systèmes particuliers pour avoir une image globale de l’état de la planète. C’est ainsi qu’est né GEOSS, aujourd’hui fortement sollicité: environ 5 millions de visites par an, avec l’espoir d’atteindre 10 millions cette année, pour accéder à plus de 400 millions de données.
Les informations que GEO pousse à partager proviennent d’agences nationales en matière de gestion de l’eau, de l’énergie, d’instituts météorologiques, agricoles et géologiques ainsi que d’agences spatiales et d’institutions académiques. Elles comprennent des observations satellitaires qui permettent d’identifier les changements du paysage, les différences de températures entre les courants chauds et froids des océans, ou encore les températures de surface et atmosphériques. Elles contiennent aussi des informations sur les constituants de l’atmosphère ainsi que des mesures terrestres comme celle de l’humidité des sols.
«Depuis 1958, explique Barbara Ryan, nous mesurons depuis le volcan de Mauna Loa à Hawaï, l’évolution de la teneur en dioxyde de carbone dans l’atmosphère et établissons ce qu’on appelle la courbe de Keeling.» Pour la directrice de GEO, cet amas de données est très utile pour la mise en oeuvre de l’Accord de Paris sur le climat.
Un outil précieux pour gérer la sécurité alimentaire
Au sujet de la suppression récente par l’administration de Donald Trump du très important Système de surveillance carbone de la NASA, Barbara Ryan répond sobrement: «Si un pays perd un instrument de mesure atmosphérique pour des raisons politiques, il y a possibilité d’en utiliser d’autres, voire de recourir à d’autres pays. Il est important d’assurer une continuité.» Mais elle ajoute: «GEO est financé par des contributions volontaires. Nous sommes très fortement touchés par la réduction de la contribution des Etats-Unis décidée par l’administration actuelle.»
GEO est fort utile pour gérer les problèmes de sécurité alimentaire. Depuis que les ministres de l’agriculture se sont réunis pour la première fois lors d’un sommet du G20 en 2011 et qu’ils ont décidé de lancer l’initiative GEOGLAM de prévision des récoltes, il est possible d’informer beaucoup mieux les marchés afin d’éviter une explosion des prix agricoles comme ce fut le cas dans les années 2000. En Ouganda, GEO collabore avec les autorités et il a été ainsi possible de prévoir trois mois à l’avance l’arrivée d’une sécheresse qui allait fortement réduire la production. Un gain précieux de temps pour anticiper des mesures.
A quelques jours de la retraite, Barbara Ryan est réaliste: «Je suis une éternelle optimiste, mais là je suis pessimiste à plusieurs égards. Je ne vois pas l’Europe et les Etats-Unis, qui représentent 10% de la population mondiale mais 90% de la consommation des ressources planétaires, changer d’habitudes de consommation. De plus, les organisations et gouvernements pourraient mieux partager leurs données.»
Il manque souvent la volonté politique d’agir pour le bien commun. Malheureusement, plus de la moitié des données collectées par des satellites d’observation de la Terre contrôlés par des Etats ne sont toujours pas partagées, bien qu’elles ne contiennent pas d’éléments sensibles liés à la défense ou aux renseignements.
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