Donald Trump influence les marchés autant que les banques centrales
La Fed devrait annoncer une hausse des taux mercredi. La BCE pourrait suivre jeudi avec des indications sur son programme d’assouplissement monétaire. Pour Marie Owens Thomsen, cheffe économiste de la banque Indosuez à Genève, la politique américaine pèse aussi sur la conjoncture
Quelle semaine! Pour de nombreux analystes, il s’agit de l’une des plus importantes de 2018, marquée par quatre événements. Certains sont politiques, d’autres sont liés aux banques centrales et notamment à la Réserve fédérale américaine (Fed) et à la Banque centrale européenne (BCE).
La politique, d’abord. Cette semaine arrive juste après un sommet du G7 au Québec, qui a vu le fossé se creuser entre les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels et les perspectives d’une guerre commerciale devenir plus probables que jamais. Non seulement il n’y a pas eu de communiqué de compromis mais le président américain, Donald Trump, s’est de plus engagé dans une guerre des mots avec ses homologues.
Ensuite et toujours sur ce même plan, le monde a assisté à un sommet inattendu entre Donald Trump et Kim Jong-un, mardi, à Singapour. Qui n’a apparemment pas été vain: il aurait ouvert la voie à un accord sur la dénucléarisation de la Corée du Nord.
Septième hausse des taux aux Etats-Unis
Sur le plan de la politique monétaire, la Fed relèvera vraisemblablement les taux de 0,25% ce mercredi. Ce sera la deuxième hausse de l’année et la septième depuis fin 2015, lorsqu’elle avait décidé de mettre fin graduellement à son programme d’assouplissement monétaire. Publié mardi, le chiffre de l’inflation pour mai à 2,8%, bien au-dessus de l’objectif de 2%, plaide en faveur d’une telle décision.
Enfin, la BCE devrait indiquer jeudi sa propre stratégie de sortie de son programme d’assouplissement monétaire dans la zone euro. Celui-ci avait été introduit en 2015 afin d’injecter de l’argent frais dans une économie fortement ralentie.
«C’est en effet une semaine cruciale et les deux événements politiques peuvent potentiellement influencer les marchés ces prochains mois autant que les décisions de la Fed ou de la BCE, explique Marie Owens Thomsen, cheffe économiste d’Indosuez Wealth Management à Genève. Les banques centrales ont joué un rôle capital dans la sortie de la crise, notamment avec le programme d’assouplissement monétaire et des taux d’intérêt bas. Mais une guerre commerciale et des tensions politiques seraient beaucoup plus nuisibles à l’économie mondiale.»
Ralentissement des indicateurs conjoncturels
Marie Owens Thomsen relève que le président américain avait proféré des menaces de mesures protectionnistes unilatérales à la fin de l’année dernière. «Les conséquences se font déjà sentir, dit-elle. L’Agence internationale de l’aviation civile a noté une stagnation du nombre de passagers au premier trimestre 2018, une première depuis deux ans. Et Maersk, le grand transporteur danois de conteneurs et qui fait référence, a enregistré une augmentation de volume de 2% alors que les prévisions tablaient sur 3 à 4%.» Selon elle, les perspectives économiques vont définitivement sombrer si les Etats-Unis poursuivent la guerre commerciale avec le reste du monde.
Au début de l’année, la banque Indosuez s’était déjà montrée plus réservée dans ses prévisions conjoncturelles pour 2018 et 2019 que la plupart des institutions, à 3,4% et à 3,2% respectivement, contre 3,5% l’an dernier.
Pour la cheffe économiste d’Indosuez, la probable hausse des taux directeurs ne répond de loin pas à toutes les questions sur la santé de l’économie américaine. Marie Owens Thomsen observe: «Beaucoup de gens se demandent pourquoi les salaires n’augmentent que peu.» Selon elle, ils évoluent à la hausse plus vite que la productivité.
Zone euro en croissance
En ce qui concerne la zone euro, Marie Owens Thomsen explique que la BCE ne devrait pas se précipiter pour mettre fin à son programme de rachats d’actifs. Des économistes sondés par l’agence Bloomberg prévoient son retrait pour la fin de l’année. D’autres estiment que la BCE poursuivrait son programme en 2019 à hauteur de 10 milliards de rachats d’actifs par mois. En réalité, une stratégie de sortie est déjà amorcée: le rythme mensuel d’achat est passé de 80 à 60 milliards à la fin 2016, puis de 60 à 30 milliards en janvier dernier. A plusieurs reprises, la BCE a fait comprendre que le programme n’allait pas s’arrêter abruptement.
«La zone euro a retrouvé le chemin de la croissance. Le taux de chômage est en baisse, mais il se trouve toujours à un niveau élevé, à 8,5%, fait-elle remarquer. Et les pays de la zone euro, pour la plupart, restent très endettés.» Par ailleurs, selon elle, la BCE pourrait envisager de remonter ses taux directeurs plutôt vers la fin 2019.
▅