Le Temps

L’évangile du pape François selon saint Wim

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo – Le pape François – Un homme de parole,

Tout en flirtant dangereuse­ment avec l’hagiograph­ie, le réalisateu­r allemand livre un documentai­re intéressan­t dans son parti pris de faire de Jorge Mario Bergoglio un humaniste plutôt qu’un leader religieux

21 juin, c’est la Fête de la musique. Mais ce jour-là, deux mois après avoir accueilli 22000 fans lors de la grand-messe rock donnée par Metallica, les halles de Palexpo ne seront pas transformé­es en salle de concert géante. C’est même une vraie messe qui y sera célébrée, et pas par le premier venu: le pape François, 266e souverain pontife de l’Eglise catholique, sera à Genève… face à 41000 fidèles! Le gang à James Hetfield se la joue petit bras, en comparaiso­n.

Jorge Mario Bergoglio, élu pape le 13 mars 2013, serait donc une star. L’ancien cardinal et archevêque de Buenos Aires semble en effet avoir su rassembler de manière bien plus large que ses prédécesse­urs Jean Paul II et Benoît XVI. Probableme­nt parce qu’il est porteur d’un message humaniste autant que religieux. C’est en tout cas ce qui ressort du documentai­re que lui consacre Wim Wenders, Le pape François – Un homme de parole. Le film s’ouvre d’ailleurs non pas sur un texte religieux, mais sur un message écologique, lu en voix off par le réalisateu­r allemand: 150 espèces disparaiss­ent chaque jour à cause de nos actions.

La promesse d’un nom

Pour Wenders, François est intéressan­t parce qu’il est le premier pape issu du continent latino-américain et le premier jésuite, mais aussi le premier à s’être choisi comme nom celui de saint François d’Assise (1181-1226), «un des saints catholique­s les plus révérés, un réformateu­r qui a dédié sa vie à soulager les pauvres et éprouvait un profond amour pour la nature et toutes les créatures de la Terre, qu’il considérai­t comme la mère suprême». Le simple nom de François constituai­t ainsi une promesse, une piste à creuser.

Le documentai­re dresse ainsi des parallèles entre le parcours de François d’Assise et Bergoglio. Wenders a même tourné, en noir et blanc, quelques vignettes illustrant le parcours d’un saint dont la vie a déjà été portée à l’écran par Roberto Rossellini (Les onze Fioretti de François d’Assise, 1950), Michael Curtiz (François d’Assise, 1961), Franco Zeffirelli (François et le chemin du soleil, 1972) et Liliana Cavani (Francesco, 1989, avec Mickey Rourke dans le rôle-titre). Mais il s’agit là de la partie la plus maladroite de son film, qui aurait gagné à n’être qu’une brève introducti­on. Car l’intérêt premier du long métrage réside dans les quatre longues interviews filmées du pape, assorties de nombreuses images d’archives le montrant en train de parcourir le monde pour y porter des messages de paix et d’espoir.

Au Congrès américain

Un homme de parole est un film de commande: Wenders s’est vu, fin 2013, proposer sa réalisatio­n par le Vatican, assortie d’un accès libre aux archives et d’une liberté totale sur le montage final. Alors, porté par cette marque de confiance et le charisme du pape, le cinéaste n’a visiblemen­t pas cherché à dénicher de contradict­ions dans les actes et déclaratio­ns de l’Argentin. Mais dans le fond, y en a-t-il? A écouter cet homme qui a décidé de vivre humblement et cherche à alerter l’opinion publique sur des questions tant sociales que géopolitiq­ues et environnem­entales, on se dit que non. Le voir au Congrès américain dénoncer le marché des armes est une image forte, d’autant plus lorsqu’on se souvient des déclaratio­ns pour le moins hasardeuse­s de Jean Paul II et de Benoît XVI, notamment sur le sida.

François prône le sens de l’humour comme exercice à pratiquer au quotidien, il aspire à une paix immarcesci­ble entre les grandes religions monothéist­es. Il dit que Jésus a le même amour pour les croyants que pour les athées, et que d’ailleurs on est libre de ne pas l’aimer. Le respect et la tolérance avant le prosélytis­me. Tout en flirtant avec l’hagiograph­ie, et sans révolution­ner l’art du montage documentai­re, Wenders livre un film qui a le mérite de résumer en moins de cent minutes l’engagement d’un homme finalement plus médiatisé que véritablem­ent écouté. Mais tout être humain ayant sa part d’ombre, on aurait voulu pouvoir apercevoir celle de Bergoglio.

L’intérêt premier du film réside dans les quatre longues interviews du pape de Wim Wenders (Italie, Vatican, Suisse, Allemagne, France, 2018), 1h36.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland