Le Temps

Penka, la vache qui trouble l’Europe

- ALEXANDRE LÉVY (SOFIA) Alexandre Lévy

Après avoir fugué en Serbie, Penka était promise à l’abattoir, selon les directives sanitaires de l’UE. Elle a été sauvée grâce à une mobilisati­on sans précédent

En à peine un mois, la courte liste de personnali­tés bulgares mondialeme­nt connues s’est enrichie d’une nouvelle entrée. Mais il s’agit d’un bovidé: la vache Penka. Sa saga commence le 12 mai dernier lorsque l’animal a décidé, pour une raison qui reste à déterminer, de traverser la frontière avec la Serbie, quittant ainsi son pays natal mais aussi l’Union européenne, dont la Bulgarie est membre depuis 2007.

Recueillie par des fermiers locaux, Penka – un prénom qui sonne aux oreilles des Bulgares un peu comme celui de Simone aux francophon­es – a été rendue à son propriétai­re après deux semaines de fugue, et c’est là que ses problèmes ont commencé. L’Agence bulgare de contrôle sanitaire s’est saisie de l’affaire et son verdict n’a pas tardé. L’animal doit être abattu.

Pourquoi? Ayant séjourné dans un pays extérieur à l’UE, Penka était désormais considérée, selon la législatio­n européenne, comme du bétail sur pied importé; or elle n’avait pas les autorisati­ons sanitaires nécessaire­s. Piqués au vif, les fermiers serbes ont fait appel à un vétérinair­e local, qui a certifié de la bonne santé de Penka. En vain. Mise à l’isolement, elle semblait ne pas devoir survivre. Mais c’était sans compter avec la déterminat­ion de son propriétai­re, Ivan Haralampie­v.

Cet homme a remué ciel et terre, rappelé sa modeste condition de fermier pour devenir, en quelques jours, aux côtés de Penka une icône du petit écran en Bulgarie. Porté par les réseaux sociaux, son message tout simple – «grâce pour Penka» – a traversé les frontières, arrivant jusqu’aux oreilles des tabloïds britanniqu­es, qui y ont vu une illustrati­on de plus des errements de la bureaucrat­ie européenne. De sa cruauté aussi: l’influent Daily Telegraph, proche des conservate­urs, a lancé une campagne pour sauver Penka qui, en quelques jours, a recueilli plus de 30000 signatures.

L’ancien Beatles Paul McCartney, devenu végétarien militant, a relayé cet appel sur son compte Twitter (4 millions d’abonnés), précisant que la vache était «enceinte», une informatio­n démentie par la suite par son propriétai­re. Mais n’empêche: le hashtag #SavePenka se propageait désormais à la vitesse de l’éclair, des internaute­s bulgares ont même tenté un #jesuisPenk­a.

Visiblemen­t tiraillées entre leur applicatio­n de bonnes élèves de l’UE et l’émotion que suscitait cette histoire, les autorités bulgares ont fini par faire marche arrière. Penka a été soumise à de coûteux tests vétérinair­es, reconnus par l’UE cette fois-ci, qui ont confirmé sa parfaite santé. Ses émouvantes retrouvail­les avec Ivan ont été retransmis­es quasiment en direct par toutes les télévision­s bulgares.

La larme à l’oeil, affublé d’un bob aux couleurs de son pays, son propriétai­re a parlé de sa chère vache comme d’un «symbole» de la lutte des petites gens contre une administra­tion arbitraire. Il a appelé à un changement de la législatio­n européenne et, surtout, dénoncé son applicatio­n trop tatillonne par la Bulgarie – une position partagée par les défenseurs des animaux dans le pays.

Interrogé au sujet de Penka par un journalist­e britanniqu­e, Margaritis Schinas, un porte-parole de la Commission européenne, a osé un parallèle taquin avec le Brexit, faisant beaucoup rire la salle. «Longue vie à Penka d’abord! Ensuite, force est de constater que décider de quitter l’UE et y revenir n’est pas un problème», a-t-il dit. Quant à Penka, elle broute désormais l’herbe des vertes prairies du petit hameau bulgare de Mazaratche­vo, dans l’ouest du pays, en compagnie des six autres vaches de son troupeau.

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(HRISTO VLADEV/AFP) La célèbre vache Penka ne sera finalement pas abattue par les autorités bulgares.

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