La BCE arrête ses rachats de dette, pas son soutien à l’économie
POLITIQUE MONÉTAIRE L’institution d’émission a confirmé jeudi son intention d’arrêter son programme d’achat d’actifs d’ici à la fin de l’année
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi l’abandon en fin d’année de ses rachats de dette. L’institution signe ainsi la disparition d’un programme exceptionnel conçu en pleine crise, sans pour autant cesser de soutenir l’économie en zone euro.
Guettée depuis des mois, la sortie du «QE, ou quantitative easing», c’est-à-dire des rachats d’actifs publics puis privés entamés en 2015, marque un tel tournant que la BCE devait y préparer les esprits sans déclencher la panique.
Les bourses apprécient
Réunie à Riga, en Lettonie, l’institution a surpris en fixant dès maintenant une échéance, fin décembre, tout en se laissant la possibilité de réagir à toute dégradation de l’économie.
«C’est audacieux mais intelligent», résume Marcel Fratzscher, président de l’institut économique allemand DIW, expliquant la spectaculaire réaction des marchés. En baisse dans la matinée, les bourses européennes se sont en effet envolées dans la foulée de l’annonce, pendant que l’euro reculait à 1,16 dollar et que les rendements obligataires se détendaient.
Dans le détail, la BCE, qui a déjà déversé plus de 2400 milliards d’euros à travers ce programme, devrait abaisser le rythme du QE à 15 milliards d’euros mensuels entre octobre et décembre, contre 30 milliards depuis janvier.
Numéro d’équilibrisme
Mais la BCE, traditionnellement réticente à se lier les mains, conditionne cette décision à des données «confirmant les perspectives d’inflation» à moyen terme.
Loin d’être anecdotique, cette précision signe «un compromis de Salomon» au sein de la BCE, en ménageant «une porte de sortie» aux banquiers centraux, décrypte Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba. Ce numéro d’équilibrisme s’est doublé d’une précision sur les taux directeurs qui a «agréablement surpris les marchés», relève Stefan Kipar, de la banque allemande BayernLB.
La BCE s’est en effet engagée à maintenir ses taux à leur plancher historique «au moins» jusqu’à la fin de l’été 2019, repoussant les anticipations de tour de vis monétaires jusqu’ici calées à la mi-2019.
Tableau nuancé de la conjoncture
Le président de l’institution, Mario Draghi, a brossé de l’économie un tableau nuancé: si la conjoncture souffre «d’incertitudes croissantes» et des tensions commerciales, l’inflation remonte plus que prévu.
La BCE s’attend désormais à voir le produit intérieur brut de la zone euro croître de 2,1% cette année, avant de ralentir à 1,9% l’an prochain et à 1,7% en 2020. A l’inverse, l’inflation bénéficie de l’envolée du baril de pétrole et de la hausse des salaires et devrait s’établir à 1,7% cette année et les suivantes.