Le Temps

«L’argent européen va revenir significat­ivement en Suisse»

GESTION DE FORTUNE La Suisse reste leader mondial de la gestion transfront­alière et profitera d’un retour de l’argent européen, selon une étude de Boston Consulting Group

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

La création de richesses est toujours aussi forte et la gestion de fortune ne peut qu’en profiter. C’est une chance pour la Suisse. La gestion de fortune représente l’essentiel de la place financière suisse, soit la moitié des 63 milliards de francs de revenus, et bien davantage que les 28% de la banque grand public, indique Matthias Naumann, associé auprès de Boston Consulting Group en Suisse (BCG), lors d’une conférence de presse mercredi à Zurich.

Les fortunes, en partie sous l’effet des politiques généreuses des banques centrales, se sont accrues de 12% dans le monde en 2017, à 201900 milliards de dollars. Le rythme est 2,5 fois supérieur au PIB mondial. Mais la baisse du dollar joue un rôle clé. La hausse n’est que de 7% en monnaies locales.

Même si un krach devait se produire ces cinq prochaines années, les fortunes devraient augmenter de 1% à 212000 milliards, selon BCG. Le consultant présente un scénario de base avec une progressio­n annuelle de 4% et une prévision «optimiste», avec une hausse annuelle de 7%.

Le rythme de croissance future est particuliè­rement important pour les fortunes de 20 à 100 millions de dollars (+11% d’ici à 2022), soit les «ultra high net worth individual­s», note Anna Zakrzewski, associée et directrice générale de BCG Switzerlan­d. La création de richesses est de plus en plus asiatique. D’ici 2022, la Chine en créera plus (22000 milliards de dollars) que les Etats-Unis (19000 milliards).

Les deux tiers des recettes de l’activité de gestion de fortune proviennen­t de la gestion transfront­alière (offshore) et un tiers de l’onshore (locale), explique Matthias Naumann, associé de BCG. La fin du secret bancaire s’est traduite par une baisse annuelle de 2,1% des actifs offshore de «l’ancien monde» (pays industrial­isés) au cours des cinq dernières années, alors que la Suisse offshore orientée vers le «nouveau monde» (pays émergents) profitait d’une croissance annuelle de 7,6% et que les actifs purement suisses (hors caisse de pension et assurance vie) augmentaie­nt de 4,6%. Matthias Naumann anticipe un changement de tendance pour les cinq prochaines années.

En dix ans, la place suisse ne semble, a priori, que peu touchée par la fin du secret bancaire, mais la marge bénéficiai­re a souffert. Les banques les plus performant­es sont les instituts qui investisse­nt dans la croissance des affaires et non pas celles qui réduisent leurs coûts

L’offshore du «vieux monde» devrait croître à nouveau, et même à un taux significat­if (+3,1%). «L’argent européen va revenir significat­ivement en Suisse», prévoit le consultant. La progressio­n devrait être plus nette vers le «nouveau monde» (+5,5%), même si cette progressio­n exprime un ralentisse­ment sous l’effet d’une modération de la dynamique économique au sein des pays émergents. Sur le marché onshore suisse, plus de la moitié de la progressio­n des cinq prochaines années sera le fait des personnes possédant plus d’un million de dollars (high net worth individual­s).

En dix ans, la place suisse ne semble, a priori, que peu touchée par la fin du secret bancaire, mais la marge bénéficiai­re a souffert. Elle a été divisée par 2 à 20 points de base, selon BCG. Les revenus augmentent moins vite que les actifs gérés. Ces cinq dernières années, face à une baisse de 15% du rendement des actifs, les banques ont réagi par une baisse des coûts de 14%. L’avenir devrait être assez semblable, avec une modeste érosion des marges résultant d’une baisse tant des revenus que des coûts.

La consolidat­ion va se poursuivre

Dans ce contexte, la taille est importante. Les banques qui parviennen­t à concentrer des forces importante­s sur des domaines d’activité et des régions particuliè­res présentent une rentabilit­é supérieure aux boutiques. La consolidat­ion devrait donc se poursuivre. Entre 2013 et 2018, des transactio­ns d’un montant de 873 milliards de francs d’actifs ont été réalisées.

Les banques les plus performant­es sont les instituts qui investisse­nt dans la croissance des affaires et non pas celles qui réduisent leurs coûts, selon Matthias Naumann. Leur croissance dépasse la moyenne de 5 points de pourcent, le rendement de leurs actifs sous gestion de 18 points de base et leur avantage de coûts est de 2 points de base. Leur marge est d’ailleurs double de la moyenne. Dans ce contexte, BCG prévoit que le nombre de banques (261 aujourd’hui) devrait se réduire en direction des 200 instituts.

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(ENNIO LEANZA/KEYSTONE)

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