Le Temps

«L’humour est clivant, on est toujours sur un fil»

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE CHASSEPOT

RADIO Le rire tient une place essentiell­e dans notre vie quotidienn­e, c’est incontesta­ble. Sur France Inter aussi, qui multiplie le concept avec des billets, chroniques, et humeurs. Des mots qui veulent tous dire la même chose: tourner l’actualité en dérision. A l’excès? Réponses avec Yann Chouquet, directeur des programmes de la radio française depuis juin 2017

L’omniprésen­ce d’humoristes sur votre antenne, ils sont quatorze au total, est-elle une stratégie délibérée? Oui, mais au départ, c’est un concours de circonstan­ces. Il y a six ans de cela, j’étais coproducte­ur de l’émission de 11h-12h30, notre créneau traditionn­el de divertisse­ment. On m’avait demandé de renouveler les signatures, de m’intéresser à la nouvelle scène du stand-up qui fleurissai­t sur Paris. J’ai donc écumé toutes les salles pour faire venir des gens différents. Parce qu’en dehors de Desproges et sa causticité dans les années 1980, on n’avait que des «chansonnie­rs», beaucoup plus classiques. Je cherchais une autre écriture, plus absurde, et après un casting très large, on s’est rendu compte que beaucoup d’artistes étaient excellents. On a commencé à les répartir sur d’autres cases horaires, et on a touché une cible plus jeune avec de vrais scores sur les réseaux sociaux.

Vous avez eu envie de renforcer cette tendance depuis votre nomination il y a une année, puis suite à la vague de départs vers Europe 1 à la rentrée? Non, pas du tout. On a atteint le bon équilibre je crois. Plus, ce serait trop. On a renforcé un peu le week-end, où la grille des programmes était plus années 1990-2000. Les auditeurs nous ont réclamé plus d’humour, mais il ne faut pas qu’on bascule du côté Rires et Chansons…

«Nos trois chroniqueu­rs quotidiens peuvent avoir des faiblesses mais ils sont d’une remarquabl­e constance»

Au-delà de vous audiences, vous avez eu des retours concrets sur le recours aux humoristes? Le retour le plus précis que j’ai eu concerne l’été dernier. Nos humoristes étaient tous en vacances ou en tournée sur les festivals, et la grande majorité des messages de nos auditeurs disaient: «Mais où sont-ils passés?», «La grille est triste, on s’ennuie», «Pourquoi on ne rigole pas cet été?» Là, je me suis dit: «OK, ils sont dépendants!» On a aussi eu le retour des nouveaux auditeurs. Le label de France Inter sur les réseaux sociaux, ce sont les humoristes. Et puis les audiences de nos deux «carrefours», les tranches de Nagui et Charline Vanhoenack­er où sont concentrée­s les émissions de bandes, se portent vraiment très bien.

L’humour reste un domaine impitoyabl­e, où il est dur d’être bon tous les jours… On a vraiment eu très peur lors de l’aprèsMacro­n. Les élections sont toujours excitantes, mais une fois le pouvoir exécutif en place, ça retombe. Quand on a vu sa compositio­n, que le théâtre changeait vraiment, on a eu ce réflexe: «Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir dire?» Parce qu’en dehors des quelques dinosaures de l’Assemblée nationale et des rares figures qui entouraien­t Emmanuel Macron, il n’y avait personne de vraiment connu. Nos trois chroniqueu­rs quotidiens – Charline, Daniel Morin et Tanguy Pastureau – peuvent avoir des faiblesses, comme tout le monde, mais je les trouve surtout d’une remarquabl­e constance. Et c’est à mon avis un peu plus simple pour ceux qui intervienn­ent de façon hebdomadai­re. L’humour reste très clivant de toute façon, on est toujours sur un fil.

Vous avez plusieurs chroniqueu­rs étrangers, suisses et belges essentiell­ement. Une vraie tendance? Oui, mais là aussi, ce n’était pas un choix délibéré. Lors des castings dont je parlais précédemme­nt, j’ai pu voir vu des humoristes étrangers qui observaien­t la France avec décalage. Ça apporte une fraîcheur nécessaire, et ça nous permet d’avoir encore plus d’autodérisi­on. Sur le coq français qui chante toujours sur le haut du tas du fumier, un peu prétentieu­x, vous voyez… Notre équipe se renouvelle d’elle-même. On était très contents de Thomas Wiesel, mais il a choisi de nous quitter quelques mois parce qu’il devait animer un talk-show télé chez vous. Il reviendra. Et d’autres prenwnent des disponibil­ités parce qu’ils partent en tournée, par exemple. Chris Esquerre, qui était très présent à l’antenne, avait souhaité se mettre en retrait pour réaliser une série et écrire un nouveau spectacle, mais ses projets arrivent à terme et il va revenir à partir de septembre. ▅

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland