Le Temps

Les montres suisses sont précises, le COSC s’en porte garant

Discret mais essentiel, le Contrôle officiel suisse des chronomètr­es voit passer la quasi-totalité des calibres mécaniques des plus grandes marques comme Omega ou Rolex. En 2017, cette institutio­n a testé près de 2 millions de mouvements dans ses bureaux

- VALÈRE GOGNIAT @valeregogn­iat

Le COSC, quèsaco? Déplions l’acronyme: le Contrôle officiel suisse des chronomètr­es vérifie dans ses trois bureaux (Le Locle, Saint-Imier, Bienne) que les mouvements horlogers qui lui sont envoyés par les constructe­urs sont effectivem­ent précis. Marge de tolérance: -4/+6 secondes par jour, avec 4% des pièces qui échouent au test. Visite chez les promoteurs de la ponctualit­é.

Lorsqu’il entre dans l’ascenseur, Andreas Wyss affiche un sourire satisfait. «Vous ne remarquez rien?» C’est vrai: on ne perçoit ni démarrage, ni arrivée. Pas une vibration. Il s’agit d’un ascenseur spécial conçu pour éviter le moindre choc aux dizaines de milliers de mouvements horlogers qui l’emprunte, assure fièrement le patron du Contrôle officiel suisse des chronomètr­es (COSC).

Les calibres, cet ingénieur en mécanique les connaît bien. L’institutio­n suisse qu’il dirige en a certifié l’an dernier 1,934 million, un chiffre en progressio­n de 13,7%. En 45 ans d’existence, cette quantité n’avait encore jamais été atteinte. Ce record a été annoncé vendredi, lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisati­on.

Quinze jours de tests

Méconnu, le COSC joue un rôle capital: si la réputation des montres suisses dans le monde est si bonne, c’est en effet un peu grâce à lui. Car chaque calibre (le «coeur» qui fait battre la montre) qui prétend bénéficier de l’appellatio­n «chronomètr­e» doit au préalable subir une batterie de tests dans ses locaux. Les deux plus grandes marques, Omega et Rolex, font certifier la quasi-totalité de leurs mouvements. Comme Breitling. Une cinquantai­ne d’autres entreprise­s ont également recours au COSC, mais uniquement pour certaines collection­s.

Ses trois bureaux (Le Locle, Saint-Imier et Bienne) réceptionn­ent chaque jour des milliers de mouvements. Certains arrivent dans d’imposants chariots en inox. D’autres dans de fragiles petites boîtes en carton.

En sortant de l’ascenseur qui ne vibre pas, on entre dans un grand laboratoir­e où des dizaines de milliers de mouvements mécaniques dorment sur de petits plateaux. Ils passeront quinze jours dans ces locaux et leur précision sera mesurée à différents intervalle­s, selon un protocole bien précis. Un impératif pour remplir les exigences de la norme ISO 3159 – une norme qu’Andreas Wyss connaît si bien qu’il en récite des passages par coeur.

La tolérance est de -4/+6 secondes par jour. Car il vaut toujours mieux qu’une montre avance plutôt qu’elle ne recule. Une fois qu’ils sont «certifiés COSC», les calibres se voient attribué un numéro unique et ils repartent dans leurs manufactur­es d’origine pour y être emboîtés. Le prix de cette certificat­ion varie, notamment en fonction de la complexité de la pièce, de moins de 10 francs à plus de 100 francs. Le taux d’échec, assez stable, se monte à 4%.

Un patron, deux imprimante­s

Pour assurer cette mission, les bureaux du COSC sont ouverts sept jours sur sept. Ses trois antennes font travailler entre 75 et 90 personnes. Des employés dont les salaires sont payés par l’administra­tion publique. «Le COSC n’a en fait que trois employés. Tous les autres sont, théoriquem­ent, des fonctionna­ires. Car nous ne sommes pas une entreprise, mais une associatio­n», rappelle Andreas Wyss.

Dès sa naissance en 1973, les cantons fondateurs – Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne et Soleure – ont en effet voulu conserver la maîtrise de cette entité pour garantir son indépendan­ce vis-à-vis des marques. En résumé, le COSC gère les machines et le mobilier, tandis que le personnel et les bâtiments sont de la responsabi­lité des cantons et des communes.

En quarante-cinq ans, le nombre de bureaux a été réduit, mais ce principe est resté. Le bureau du Locle (NE) est aujourd’hui en partie géré par la Mère Commune, celui de Saint-Imier par une société en mains de l’administra­tion communale du village bernois et celui de Bienne par le canton de Berne. Cette situation occasionne quelques maux de tête. «Comme les données relatives aux mesures de nos clients doivent impérative­ment être séparées de l’aspect administra­tif, les responsabl­es des bureaux régionaux ont deux ordinateur­s différents. Deux réseaux câblés différents. Et deux imprimante­s différente­s», pointe le directeur.

Le COSC certifie donc des mouvements, et non des montres terminées. Ce qui génère depuis toujours des débats au sein de l’industrie. Pour Andreas Wyss, le COSC serait tout à fait capable de contrôler le produit fini, mais cela poserait de sérieux problèmes logistique­s. «Nous recevons parfois 60000 mouvements par jour. Imaginez que nous recevions 60000 montres terminées! Nous devrions complèteme­nt repenser la sécurité de nos locaux…» Une solution passerait-elle donc par l’installati­on d’espaces dédiés au COSC au sein des manufactur­es? «Nous y avons aussi réfléchi, très sérieuseme­nt. Mais à chaque fois, nous nous retrouvons face à des écueils infranchis­sables…»

Rapport annuel allégé

Historique­ment, le rapport annuel du COSC jouait un rôle central dans l’industrie. Car il s’y trouvait la ventilatio­n du nombre de mouvements certifiés pour chacune des marques. C’était ainsi un bon moyen de suivre l’évolution de cette industrie qui se tapit volontiers dans le secret. Mais depuis 2016, plus rien. Il manque une page dans le rapport. «Je sais bien que c’était la seule qui intéressai­t le public. Mais, maintenant, il n’y a plus que nous qui avons ces chiffres», sourit Andreas Wyss en tapotant son porte-documents.

La raison de ce changement de politique? «C’est simple: ces données appartienn­ent aux marques. Un jour, l’une d’entre elles nous a demandé de les enlever, mais nous n’avons rien fait. Puis une autre. Puis encore une autre. Pour éviter que cela ne crée des tensions inutiles, nous y avons finalement renoncé.» Le COSC a ainsi perdu un peu de visibilité, mais, pour Andreas Wyss, qu’importe. «Nous ne sommes pas là pour briller, mais pour servir les marques.»

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(MATHIEU SPOHN POUR LE TEMPS) Les mouvements horlogers, anonymes, passent quinze jours dans les bureaux du COSC et subissent une batterie de tests pour vérifier leur précision. Pour obtenir la précieuse certificat­ion, la marge de tolérance est de -4/+6 secondes par jour.
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