En Europe, le retour des forces de l’Axe
Trois mois après un laborieux accouchement, la coalition allemande pourrait voler en éclats ce lundi. Ce n’est pas le partenaire minoritaire socialiste (SPD) qui en sera responsable, mais la CSU, le petit frère turbulent de la conservatrice CDU. Angela Merkel serait finalement déboulonnée non par la gauche, mais la droite dure bavaroise. Dans l’hypothèse de nouvelles élections, cette même droite dure pourrait s’allier cette fois-ci avec l’extrême droite, l’AfD xénophobe étant en passe de devenir le deuxième parti d’Allemagne, selon les derniers sondages. Après les récentes victoires des partis nationalistes en Autriche et en Italie, l’effet domino enclenché depuis l’Europe de l’Est gagnerait la pièce maîtresse du continent: l’Allemagne. On basculerait alors dans une autre Europe.
Rien n’est encore joué, Angela Merkel ayant fait preuve par le passé d’un instinct de survie politique hors du commun. Mais n’est-ce pas qu’une question de temps avant que ce scénario ne se réalise? Les nationalistes, allemands et européens, finiront par avoir la peau de la chancelière, cette femme qui avait – trop? – généreusement ouvert ses frontières aux requérants d’asile syriens, irakiens et afghans au plus fort des flux migratoires en 2015.
Lundi, le ministre allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer, l’homme fort de la CSU, pourrait déclencher le processus de fin en décrétant le retour des contrôles aux frontières pour expulser les «migrants» se présentant sans papiers ou ayant déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays. Le principe de Dublin serait appliqué en faisant exploser l’accord de Schengen qui avait instauré la libre circulation des personnes. La chancelière joue la montre dans l’espoir – vain? – d’une solution commune lors du prochain sommet européen, fin juin, pour à la fois renforcer les frontières extérieures de l’Union européenne et répartir équitablement le fardeau des réfugiés.
La question migratoire – où l’on distingue de moins en moins réfugié politique et migrant économique – est en passe de dynamiter l’Europe ouverte et libérale échafaudée ces dernières décennies. Les pressions migratoires, bien réelles, ne sont pourtant qu’une partie de l’équation. La crise économique, les fractures sociales provoquées par celle-ci ainsi que l’élargissement mal digéré de l’UE explique aussi les crispations identitaires en cours. Ces défis qui semblaient surmontables il y a encore quelques années sont devenus pratiquement ingérables à 27. Car l’Union n’est pas seulement tiraillée de l’intérieur, elle est de plus en plus taraudée de l’extérieur.
L’Europe fait face à trois géants qui l’affaiblissent en la divisant: la Russie, pour des raisons géopolitiques, la Chine, pour des raisons idéologiques, et les Etats-Unis, pour des raisons économiques. Avec l’allié américain, l’Europe pouvait résister aux pressions chinoises et russes. Lâchée par Washington, l’Europe libérale mesure aujourd’hui l’étendue de sa fragilité.
Après le désastre du G7 la semaine dernière, on comprend à quel point Donald Trump est en mesure de changer le cours des événements en Europe même. Il ne s’agit pas ici uniquement de guerre commerciale, mais de modèle politique. Son nationalisme inspire les forces
Lâchée par Washington, l’Europe libérale mesure aujourd’hui l’étendue de sa fragilité
les plus conservatrices du continent européen, qui peuvent se conforter dans l’idée d’être du bon côté de l’histoire, dans le sillage de l’«Amérique d’abord» de Trump. Election après élection, le président des Etats-Unis félicite les élus populistes. Son ambassadeur à Berlin ne cache pas qu’il est en mission pour favoriser les partis nationalistes en Allemagne et en Europe.
C’est dans ce climat que, mercredi, les ministres de l’Intérieur italien, allemand et autrichien ont annoncé la création d’un «Axe des volontaires» contre l’immigration clandestine. N’est-ce pas troublant?
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